"1 femme, 1 passion" - épisode #7: Anne-Laure Kiechel, Fondatrice de Global Sovereign Advisory
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Valérie Bokobza : Bonjour à tous, je suis Valérie Bokobza, Directrice du Développement chez Société Générale Private Banking et je suis ravie de vous présenter un nouvel épisode de « 1 femme, 1 passion ». Notre objectif est de partager un parcours de femme inspirante, qui fait bouger les lignes. Aujourd’hui je reçois Anne-Laure Kiechel. Bonjour, Anne-Laure.
Anne-Laure Kiechel : Bonjour !
Valérie Bokobza : Vous êtes fondatrice de Global Sovereign Advisory(1), dont la mission est d’apporter une expertise internationale sur la dette souveraine(2), auprès d’une vingtaine de pays dans le monde. Après une carrière impressionnante au sein des grandes banques d’affaire internationales, vous décidez, en 2019, de créer votre structure de conseil. Vous devenez l'interlocutrice de référence auprès des plus grands chefs d'états, comme Alexis Tsipras(3), que vous avez accompagné lors de la crise financière grecque en 2008. Passionnée par la musique depuis le plus jeune âge, vous êtes aussi classé 19e du classement des Français les plus influents du monde. Votre fil rouge : combiner excellence et liberté. Comment fait-on pour passer de la direction d'une banque d'affaires à l'entrepreneuriat et au rôle de véritable référence sur la dette souveraine ?
Anne-Laure Kiechel : Alors merci pour l’opportunité de pouvoir parler de mon expérience et d'une expérience, en effet, de femme, et bravo pour votre pour votre initiative [le podcast « 1 femme, 1 passion] . Je crois que ce qui est important pour moi, c’est de savoir conjuguer indépendance et liberté. Indépendance parce que nous quand on conseille c'est quand même la valeur cardinale, de pouvoir donner le bon conseil, de ne pas être tenu par aucun intérêt, et donc, quelque part, d'avoir la tête claire et les mains libres pour agir et pour donner les meilleurs conseils. Et une forme de liberté, aussi, dans la liberté de penser, voulant dire, dans la liberté d'appréhender les problématiques. Trop souvent, on est guidé par des manières de penser uniques ou par des manières de raisonner, qui, quelque part, peuvent faire faire des erreurs assez fondamentales. L’histoire de la dette, d’ailleurs, en est remplie. Quand on pense qu'on a érigé en dogme un 90% de dettes sur PIB(4) et si on ne respectait pas ça, il y avait des catastrophes, et évidemment on a allègrement passé cette barre-là sans qu’il y ait de catastrophe… Et donc, c'est la liberté de pouvoir se sortir de certains dogmes, le cas échéant, et de pouvoir essayer de résonner en toute indépendance. Je crois que c'est ça qui quelque part explique le changement [de domaine que j’ai opéré. Mon départ] de quelque chose de plus, peut-être, convenu où classique, et tout évidemment, éminemment respectable, une banque d'affaires, vers quelque chose où il y a plus de liberté d'action et de liberté de penser.
Valérie Bokobza : Concrètement, avec Global Sovereign Advisory, comment accompagnez-vous les États avec une approche holistique ?
Anne-Laure Kiechel : Ce que l’on a essayé de développer c'était de dire que, si on conseille un Etat sur juste des sujets de fiscalité ou sur juste des sujets économiques ou sur juste des sujets de dette, en fait, on ne voit qu'une partie du problème ; et on se dit souvent que quand on fait des erreurs ou quand on a des approches qui ne sont pas forcément justes, c’est parce qu'on ne considère pas l'intégralité problématique d'un Etat. On ne prend pas en compte les attentes des citoyens, on ne prend pas en compte les équilibres macro-économiques, on ne prend pas prend pas en compte la réalité de micro-économique d'un pays(5)… Et donc, ce qu'on essaie de faire, c'est d'appréhender autant qu’on peut ces problématiques, de telle sorte parce que si on agit sur une chose en particulier, un domaine, on essaie de comprendre quelles peuvent être les problématiques sur d'autres aspects du pays. Donc c'est une approche un peu peut-être différente, peut-être plus globale, qui va à l'inverse de certaines segmentations et d'hyper-spécialisations qu'on a pu voir au cours des dernières années, mais qui me semble être éminemment nécessaire, aussi, pour s'inscrire dans un temps long et donc un raisonnement qui est cohérent par rapport à un Etat.
Valérie Bokobza : Au fond, qu'est-ce qui vous anime vraiment aujourd'hui ? Protéger les plus faibles, ou donner les clés aux plus jeunes générations ?
Anne-Laure Kiechel : Peut-être un peu les deux, c'est-à-dire, clairement, donner des clés à tout le monde pour essayer de comprendre l'impact des politiques publiques me semble être éminemment important, évidemment en tant que citoyen et citoyenne, mais aussi par rapport aux États et aux gens que l’on conseille, parce qu’il faut comprendre les conséquences des actions que l’on peut prendre. Evidemment, face à la montée de massive des inégalités, quelles qu'elles soient d'ailleurs, qu'elles soient économiques, qu'elles soient climatiques… Là aussi, one ne peut pas réellement rester indifférent et se dire : « très bien, on continue comme ça ». Donc c'est aussi essayer de dire : « qu'est-ce qu'on est en train de faire ? pourquoi y a-t-il certaines formes d'inégalités ? », essayer de formuler ces inégalités, qui n'ont pas toujours été formulées ainsi, et de dire : « est-ce qu’on veut les corriger ? » et « comment est-ce qu'on peut les corriger ? ».
Valérie Bokobza : D'ailleurs, vous avez créé une chaire à Sciences Po, je crois…
Anne-Laure Kiechel : Absolument, une chaire sur la dette à Sciences Po, qui est la seule initiative européenne du genre, d'ailleurs… aussi un peu mondiale, donc c'est pour ça qu'on est particulièrement fiers !
Valérie Bokobza : Quel conseil auriez-vous souhaité que l'on vous donne plus tôt dans votre carrière ?
Anne-Laure Kiechel : C'était clairement d'oser sans trop se poser de questions. Je me souviens, quand j'ai créé Global Sovereign Advisory, j'ai réellement commencé dans un bureau, en coworking, seule ; alors, rapidement, accompagnée, mais quand même seule. Et donc, il y a une grande angoisse, quand même, de la page blanche et de se dire, est-ce que finalement on est capable de faire ou pas… Et le fait de se dire « fait, et en fait, on verra bien », je pense que c'est quelque chose d'important, qu'on m'a transmis, mais sans me le transmettre avec autant de… Ose ! Voilà, je crois que, trop souvent, il y a des freins, et peut-être, trop souvent, les femmes se mettent aussi certains freins elles-mêmes… Et finalement, si on échoue sur quelque chose, est-ce que c'est aussi grave que ça ? Je ne pense pas. Et donc, c'est vraiment ça : d'oser s'exprimer, de ne pas forcément se préoccuper du regard des autres. Parce qu'évidemment on peut être critiqué… Mais, peu importe ! Si on a l'impression que l’on fait quelque chose qui est épanouissant, qui a du sens, il faut suivre son chemin de manière libre.
Valérie Bokobza : Un grand merci, Anne-Laure, pour ces échanges et à très bientôt pour les auditeurs, pour de prochains épisodes sur les ondes de Société Générale Private Banking. Merci, au revoir !
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(1) Entreprise indépendante de conseil aux Etats et aux entités publiques fondée en 2019 ; https://www.globalsov.com/
(2) La dette souveraine désigne la totalité de l'endettement réalisé par un État.
(3) Alexis Tsipras est un homme politique Grec, leader de Syriza, Coalition de la Gauche Radicale. Il a été Premier Ministre de la Grèce de janvier à août 2015 puis de septembre 2015 à juillet 2019. Alexis Tsipras est à l'origine du referendum sur la dette publique grecque de juillet 2015, qui invitait les Grecs à se prononcer sur le plan d'aide proposé par ses créanciers internationaux (Commission Européenne, Banque Centrale Européenne, Fonds monétaire internationale). Le "non" l'emporte. Un accord sera finalement trouvé après des négociations à Bruxelles, les 12 et 13 juillet.
(4) PIB = Produit Intérieur Brut
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