Weekly Update - Les plans pour l'Amérique
Le Plan pour l’emploi américain devrait être déployé sur les huit prochaines années et marque un tournant vers une économie davantage dirigée. L’intention de Joe Biden est d’orienter les investissements et les dépenses d’approvisionnement vers les entreprises qui aspirent à créer des emplois nationaux. Ses priorités politiques sont claires : soutenir l’industrie manufacturière américaine, lutter contre le changement climatique, réduire la dépendance des Etats-Unis vis-à -vis de la Chine et conserver leur avance technologique. Le plan devrait être financé sur les 15 prochaines années, principalement par une hausse des impôts sur les sociétés de 21% à 28%.
Comment l’argent sera-t-il dépensé ? 621 Md$ iront aux infrastructures de transport (routes, ponts, transports publics, ports et aéroports) et aux véhicules électriques ; 561 Md$ seront consacrés aux bâtiments verts, à la modernisation des réseaux électriques et à l’eau potable ; 480 Md$ permettront de subventionner l’industrie manufacturière, dont 180 Md$ en R&D sur l’intelligence artificielle et les semi-conducteurs ; 400 Md$ seront destinés aux soins pour les personnes âgées et handicapées ; et 200 Md$ iront au haut débit et à la formation professionnelle. La volonté de Joe Biden d’opérer un virage vers la durabilité et l’économie verte s’inscrit dans ces programmes. Les constructeurs automobiles percevront des centaines de milliards pour produire des batteries et réorganiser leurs usines, tandis que l’administration investit dans la construction d’un réseau national de bornes de recharge. L’argent ira à la construction de bâtiments écoénergétiques et à la rénovation du stock existant de logements et de bâtiments commerciaux. Et Joe Biden projette de moderniser le réseau électrique via au moins 20 gigawatts de lignes à haute tension, une faiblesse de longue date, comme le montrent les pannes d’électricité survenues au Texas en février.
Le plan est de toute évidence axé sur les faiblesses manifestes de l’économie américaine. Le délabrement de ses infrastructures est largement reconnu par les électeurs et pèse sur la compétitivité à long terme. Cependant, les hausses d’impôt seront confrontées à une opposition farouche des Républicains au Congrès. Néanmoins, certaines voix à gauche du Parti démocrate s’élèvent pour dire que le plan (qui correspond à 9,6% du PIB) ne va pas assez loin !
La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, espère avoir approuvé le projet de loi avant le 4 juillet, ce qui devrait permettre au Sénat de l’adopter avant les vacances du Congrès en août. Ce calendrier pourrait s’avérer quelque peu optimiste, compte tenu de la faible majorité des Démocrates dans les deux chambres. Ils contrôlent la Chambre des représentants avec 219 sièges contre 211, et la moitié du Sénat, le vote décisif revenant à la vice-présidente Kamala Harris. Joe Biden ne peut se permettre de perdre plus de trois votes démocrates à la Chambre et ne doit en perdre aucun au Sénat s’il souhaite faire adopter la loi.
Sur la base de ce constat, la Maison blanche s’est déclarée ouverte aux suggestions de changements dans les propositions de Joe Biden. Les prochains mois seront ainsi consacrés à un examen détaillé et à une amélioration du plan. Compte tenu de l’ampleur des hausses d’impôt, il est peu probable que le projet de loi bénéficie de l’appui des Républicains. Les Démocrates devront donc avoir recours au processus de réconciliation budgétaire (qui permet de voter à la majorité simple au Sénat chaque année, évitant ainsi la tactique parlementaire de « l’obstruction », appelée « filibuster », qui peut bloquer les projets de loi qui n’obtiennent pas l’appui de 60 sénateurs).
Conclusion. L’envergure des deux nouveaux plans de Joe Biden pourrait entretenir de fortes craintes inflationnistes et maintenir des pressions à la hausse sur les rendements obligataires. D’autre part, compte tenu des hausses d’impôt, d’aucuns pourraient redouter que la reprise soit mise à mal et que la baisse des bénéfices après impôts puisse fragiliser le marché actions. Il convient toutefois de noter qu’il ne s’agit là que d’un retournement partiel de la baisse des impôts sur les sociétés décidée par Donald Trump en 2017 de 35% à 21% (la moitié des baisses demeureront en place). Dans l’ensemble, nous restons Neutres sur les actions américaines et continuons de préférer les marchés plus sensibles aux cycles en Europe et au Japon.