Weekly Update - L’inflation, toujours et partout ?
Les anticipations d’inflation aux Etats-Unis ont fortement augmenté depuis leurs plus-bas de mars dernier à 1,09% (le plus bas niveau depuis 1999), se faufilant de justesse au-dessus de 2,0% pour la première fois depuis 2019 (voir graphique de gauche). Cette multiplication par deux des anticipations reflète un certain nombre de facteurs que nous analyserons plus en détails ci-après. Elle reflète également des marchés exceptionnellement volatils en mars dernier, les investisseurs ayant cherché à s’adapter aux risques inhérents à la propagation de la pandémie, qui frappait les économies et les marchés.
La question de la reflation a de nouveau été évoquée en fin d’année, les économistes ayant étudié le programme électoral de Joe Biden, qui comprenait un plan d’investissement de 2 000 Md$ (soit environ 9,5% du PIB). S’il est encore probable que ce plan se matérialise, le président élu met davantage l’accent pour l’heure sur les mesures de soutien budgétaire pour combattre le ralentissement économique provoqué par la pandémie. Jeudi 14 janvier, il a dévoilé des propositions détaillées en vue d’un nouveau plan de relance de 1 900 Md$. Ce plan comprend notamment de nouveaux chèques adressés à la plupart des Américains à hauteur de 1 400 $ par personne (s’ajoutant aux indemnités de 1 200 $ et 600 $ versées l’année dernière) ; 400 $ par semaine d’allocations-chômage fédérales supplémentaires, en plus de l’assurance d’Etat, jusqu’en septembre ; une injection de 350 Md$ de liquidités pour les gouvernements d’Etat et locaux afin d’éviter les licenciements de fonctionnaires ; 50 Md$ de subventions et de prêts accordés aux PME ; 400 Md$ d’aide directe pour combattre la pandémie, via des liquidités supplémentaires pour accélérer les vaccinations, améliorer les tests et la traçabilité ; et 130 Md$ pour accélérer la réouverture des écoles.
En combinant tous ces facteurs avec la croissance de l’agrégat de la masse monétaire M2 (qui inclut les pièces et billets en circulation, les dépôts en comptes courants, les livres d’épargne et les crédits à court terme) de 25,1% en g.a. en novembre, beaucoup ont conclu que le retour de l’inflation était inéluctable. Après tout, l’économiste monétariste Milton Friedman a écrit un jour que l’inflation était « toujours et partout un phénomène monétaire ». Cependant, des recherches universitaires et des données empiriques ont montré qu’une accumulation de la dette conduit à terme à une baisse et non à une hausse de la croissance. Et pratiquement toutes les dépenses de relance sur les douze derniers mois ont été financées par endettement. Nos économistes prévoient que le ratio dette/PIB aux Etats-Unis atteindra 129% cette année, bien audessus du niveau de 90% souvent supposé conduire à un ralentissement de la croissance du PIB.
Par ailleurs, les niveaux actuels d’activité sont sensiblement inférieurs à la production potentielle de l’économie américaine, créant un « écart de production » qui tend à ralentir l’inflation. Et des données récentes laissent entendre que l’écart pourrait se creuser. Les chiffres des nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômage publiés hier ont atteint leur plus haut niveau depuis août dernier. De plus, l’accroissement de la masse monétaire ne semble pas avoir abouti à une accélération de la croissance du crédit à la consommation. De fait, la vélocité de la monnaie aux Etats-Unis (c’est-à-dire le rythme auquel elle s’échange dans l’économie) s’est effondrée à des plus-bas historiques en 2020, d’après des données calculées par Bloomberg. Enfin, comme l’indique le graphique de gauche, les anticipations d’inflation du marché ont invariablement dépassé les hausses des prix réels ces dernières années.
Conclusion. Tout bien considéré, nous ne prévoyons pas de remontée durable de l’inflation sous-jacente après la prochaine hausse de l’inflation des prix de l’énergie et des denrées alimentaires. Les forces désinflationnistes restent en place. Cette situation laisse entendre que le potentiel de hausse des rendements des obligations du Trésor sera modéré, d’autant plus que la Réserve fédérale (Fed) entend continuer à acheter des obligations. Et dans la mesure où les écarts de taux sont faibles et où les soldes budgétaire et courant aux Etats-Unis sont encore fortement négatifs, nous continuons de tabler sur un affaiblissement du dollar face à un euro sous-évalué.