Weekly Update - Des liquidités abondantes
Les publications d’indicateurs à travers le monde ont établi de nouveaux records ces derniers mois. Initialement, ils reflétaient le passage soudain d’une croissance régulière au confinement et à la récession. Et puis, alors que les pays commençaient à voir le nombre de cas de coronavirus baisser et se sentaient enhardis à rouvrir leurs économies, la confiance des entreprises et des particuliers a commencé à s’améliorer sensiblement. Aux Etats-Unis, en juin, 4,8 millions de nouveaux emplois ont été créés, faisant baisser le chômage d’un plus-haut de 14,7% en avril à 11,1%. Et dans la zone euro, l’indice PMI (indice de confiance des directeurs d’achat) composite pour le mois de juin a atteint les 48,5 points (le niveau de 50 marque la frontière entre expansion et contraction), après 13,6 en avril.
Il convient toutefois de ne pas attacher trop d’importance aux données en glissement mensuel à ce stade, les statisticiens étant confrontés à des difficultés énormes pour mesurer l’activité durant cette pandémie mondiale. Par exemple, le Bureau des statistiques du travail (qui publie le rapport sur l’emploi américain) a reconnu que les enquêtes des derniers mois ont surestimé la baisse du chômage. Par ailleurs, le taux de chômage de juin reste sensiblement supérieur au pic enregistré durant la Grande Récession à 10,0% en octobre 2009.
En outre, les variations en glissement mensuel (en g.m.) peuvent être insignifiantes à des moments charnières. Comme illustré dans le graphique de gauche, la production manufacturière américaine a fortement rebondi en g.m. Cependant, le graphique de droite montre à quel point nous restons en deçà des niveaux de production précédents. Les enquêtes PMI peuvent également s’avérer quelque peu trompeuses. Il est simplement demandé aux entreprises de préciser si leurs niveaux d’activité sont supérieurs, identiques ou inférieurs à ceux du mois précédent. Or, dans la mesure où les usines étaient fermées le mois précédent, même une production modeste constituerait une amélioration et biaiserait les résultats à la hausse.
S’agissant maintenant de la BCE, lors de la dernière réunion, les gouverneurs ont renforcé la taille du Programme d’achat d’urgence pandémique (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP) de 750 Md€ à 1 350 Md€. Cependant, le passage clé dans le compte rendu a été une discussion sur la « proportionnalité » du PEPP. Cet élément avait son importance puisque l’une des accusations portées par la Cour constitutionnelle allemande à l’encontre de la BCE était l’absence de prise en compte de la proportionnalité de ses mesures. En intégrant cette analyse dans le compte rendu accessible au public, la BCE permet au gouvernement allemand et à la Bundesbank de saisir une nouvelle fois la Cour en étant assurés que l’on réponde à leurs attentes.
Le compte rendu de la Fed avait également toute son importance, mais pour des raisons différentes. Ces derniers mois, les investisseurs ont présumé que la Fed suivrait l’exemple de la Banque du Japon et de la banque centrale australienne (RBA) et adopterait une politique de « contrôle de la courbe de rendement ». Pour cela, la banque centrale doit communiquer un objectif de rendement explicite (disons 0,7% pour les bons du Trésor à 10 ans) et s’engager à acheter autant d’obligations que nécessaire pour maintenir les rendements autour de ce niveau. En pratique, un engagement crédible s’avère souvent suffisant, permettant ainsi à la banque centrale de réduire ses achats. Le compte rendu a révélé que la Fed s’est opposée à cette politique. Elle continuera donc à acheter des bons du Trésor en grandes quantités. Les rendements resteront donc bas mais, et c’est un élément crucial, cela signifie également que la Fed continuera d’absorber une large proportion des besoins d’emprunt du Trésor pour financer les déficits énormes de l’Administration liés au COVID-19.
Conclusion. Nous estimons que les restrictions liées au confinement ne seront levées que progressivement par les gouvernements pour éviter une dégradation de la pandémie, ralentissant ainsi le rythme de la reprise. En effet, certains Etats du sud et de l’ouest des Etats-Unis ont durci les restrictions de nouveau face à la deuxième vague rapide d’infections. Cependant, les publications récentes ont conforté l’idée que la BCE et la Fed continueront d’utiliser leur puissance de feu pratiquement illimitée pour maintenir des taux bas et des liquidités abondantes sur les marchés.