Weekly Update - Sur des charbons ardents
A l’heure où nous écrivons, le résultat réel demeure très incertain. Dans cinq Etats, rien n’est encore tranché. Et le Président a déjà demandé un recomptage des votes dans le Wisconsin où Joe Biden mène de seulement 49,4% à 48,8% avec plus de 98% des bulletins dépouillés. Et de nouvelles difficultés sont vraisemblables, par exemple en Pennsylvanie et en Géorgie où les écarts actuels entre les deux candidats ne sont que de 18 230 et 917 voix, respectivement. Le climat d’incertitude pourrait durer des semaines. La date limite pour résoudre tout litige et finaliser les choix d’électeurs de chaque Etat est fixée au 8 décembre, et le vote officiel du collège électoral se tiendra le 14 décembre.
Durant les semaines qui ont précédé l’élection, influencés par la probabilité perçue d’une vague bleue, les investisseurs se sont focalisés sur les effets du plan d’investissement massif de 2 000 Md$ sur quatre ans du candidat Biden. Ce plan devait doper la croissance à long terme, mais aussi faire grimper l’inflation, encourageant les « positions initiées pour profiter d’une reprise » face à une hausse des rendements obligataires et à un repositionnement sur des secteurs plus cycliques. Le rendement des bons du Trésor à 10 ans a ainsi augmenté d’environ 0,51% début août à 0,90% le jour de l’élection, avant de corriger à 0,76% le 5 novembre. Sur la même période, l’indice S&P des valeurs industrielles a progressé de 11,9%, contre 2,5% pour le secteur des technologies de l’information. Curieusement, les actions américaines ont rebondi de 3,0% lundi et mardi, portées par l’espoir d’une vague bleue, puis de 4,2% mercredi et jeudi, ces espoirs ayant été déçus !
Si, comme nous le prévoyons, Joe Biden est investi Président et le Sénat reste aux mains des Républicains, la nouvelle administration pourrait alors se trouver dans une impasse. Comme nous l’avons écrit dans la Market Update, dans ce scénario, « les politiques seraient ainsi difficiles à mettre en œuvre, en maintenant en place les baisses d’impôts décidées par D. Trump. Une telle impasse ne serait pas préjudiciable aux marchés, mais elle pourrait entraver les chances d’un plan de relance fiscale à court terme ». Il n’y aurait donc pas d’amélioration à long terme du potentiel de croissance des Etats-Unis, même si nous restons convaincus que l’aggravation de la pandémie fera apparaître un soutien bipartite en faveur d’un nouveau plan de relance dans les prochains mois. Le Président dispose d’une plus grande marge de manœuvre dans des domaines comme la politique étrangère, laissant entrevoir une position moins conflictuelle avec des alliés comme l’UE et le Japon dans le but de construire une coalition pour maintenir la Chine sous pression. Joe Biden a également promis de réintégrer l’accord de Paris sur le climat lorsqu’il deviendra Président, ce qui pourrait encourager une accélération de la recherche et du développement dans les technologies propres aux Etats-Unis.
Jeudi, se sont tenues les dernières réunions de politique monétaire de banques centrales à Washington et à Londres. La Réserve fédérale (Fed) a maintenu sa politique, comme prévu. Les taux directeurs demeurent à 0-0,25% et la Fed poursuivra ses achats d’obligations à hauteur de 120 Md$ par mois. Le Président Jerome Powell a également renouvelé son appel à de nouvelles mesures d’aide fiscale pour soutenir l’économie. La surprise est venue de la Banque d’Angleterre. De fait, les taux ont été maintenus à 0,1%, mais les achats d’actifs ont été augmentés de 150 Md£, au lieu des 50-100 Md£ attendus. Cette situation reflète les craintes de la banque centrale concernant la baisse des dépenses de consommation liée à la COVID-19 et les attentes selon lesquelles les entraves aux exportations à la frontière ralentiront la reprise une fois le Brexit entré en vigueur l’année prochaine.
Conclusion. A court terme, nous estimons qu’en raison du surendettement et du chômage élevé l’inflation restera faible et que les taux directeurs américains demeureront près de zéro, les achats réalisés par la Fed limitant les pressions à la hausse exercées sur le rendement des bons du Trésor. Alors que les incertitudes sur la situation post-électorale s’estompent, nous estimons que les flux vers la valeur refuge qu’est le dollar devraient baisser, l’euro repartant à la hausse en 2021. S’agissant des marchés actions, l’impasse politique a souvent été d’un grand soutien puisqu’elle offre une grande visibilité aux investisseurs comme aux entreprises. Par ailleurs, les politiques monétaires et fiscales devraient rester favorables dans les années à venir.