Weekly Update - Une réunion de la BCE sous tensions inflationnistes et géopolitiques
La réunion de politique monétaire de la BCE du 10 mars va se dérouler dans un environnement économique et financier très incertain à la suite de l’invasion de l’Ukraine et des très fortes sanctions envers la Russie. En effet, lors de sa réunion de janvier, la BCE avait laissé la porte ouverte à un début de normalisation de sa politique monétaire (arrêts des achats nets suivi d’une hausse du taux de dépôt) en 2022 compte tenu de la dynamique d’inflation haussière. Plus particulièrement, la BCE a communiqué qu’elle allait se baser sur ses prévisions économiques de moyen terme pour déterminer si sa forward guidance (guidage prospectif, indications fournies par une banque centrale sur sa politique monétaire à venir) pour un début de normalisation monétaire (inflation à 2% dans un horizon à 2-3 ans et une dynamique d’inflation sous-jacente compatible avec une inflation à 2%) étaient remplies. Or, les chiffres d’inflation du mois de février, avec une hausse de 5,8% et de 2,7% pour l’inflation sous-jacente, devraient se traduire par des prévisions de la BCE qui remplissent effectivement sa forward guidance (graphique 1). Dès lors et avant l’invasion de l’Ukraine, le scénario d’un arrêt des achats nets au T3-22 et un début du cycle de hausse de taux au T4-22 se profilait comme le scénario central.
Cependant l’invasion de l’Ukraine et les répercussions potentielles sur l’économie européenne perturberont vraisemblablement ce calendrier de normalisation, et ce, en dépit de pressions inflationnistes toujours plus fortes. En effet, même si le secteur des matières premières n’est pour le moment pas sanctionné, les différentes sanctions financières ainsi que les incertitudes quant à l’évolution de celles-ci réduiront très significativement les exportations énergétiques et d’autres matières premières russes vers l’Europe.
Ceci se traduit déjà par la poursuite de la hausse des prix du pétrole, du gaz et d’autres matières premières – tout cela conduisant à une inflation encore importante dans les mois à venir. Or, ce choc d’offre est, en Europe, plus important qu’aux Etats-Unis, étant donné la structure énergétique européenne. S’ajoute à cela qu’il arrive à un moment où l’activité économique européenne n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant crise Covid-19 (graphique 2). Ainsi, un resserrement monétaire de la BCE accentuerait ce choc d’offre et, par ce biais, pourrait dérailler les perspectives de croissance qui étaient bonnes pré-crise russe. Finalement, un début de resserrement des conditions pourrait se solder par une volatilité plus importante des marchés de capitaux et un écartement des coûts de financement au sein de l'Union.
Conclusion
Compte tenu de ces éléments, nous estimons que la BCE va décaler son calendrier de normalisation, en ne s'engageant pas sur des échéances de resserrement et laissant la porte ouverte à des réinvestissements plus longs de ses programmes d'achats d'actifs. Par ailleurs, la possibilité de programmes fiscaux au niveau national ou européen visant à réduire la facture énergétique ne sont pas à exclure en cas de renforcement des tensions géopolitiques ou sur le prix des matières premières.