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Réclamations

Voyages de papier, des épopées littéraires

Touareg mauritanien de l’oasis de Chinguetti.

Partir au fil des pages

« Le monde est un livre, et ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une page », écrivait saint Augustin. Victor Hugo, dans Choses vues, était encore plus direct : « Lire, c’est voyager ; voyager, c’est lire. » Car, depuis toujours, la littérature et le voyage entretiennent un lien particulier. Nombreux sont ainsi ceux qui ouvrent un livre pour laisser leur esprit s’envoler vers un ailleurs littéraire, pour se laisser transporter par les mots comme on part en voyage. Le livre est la promesse d’une pérégrination immobile. L’Odyssée d’Homère est à la fois l’un des textes fondateurs de la culture grecque antique et un étonnant récit de voyage. Et, quand Voltaire veut confronter son Candide à la réalité du monde le temps d’un conte philosophique, il choisit naturellement d’emmener son héros en voyage.
Ouvrir un livre… et se laisser embarquer.

Écrivains voyageurs

Voyages initiatiques, périples vécus comme une allégorie de l’existence, désir de se confronter au vaste monde et d’en tenir le journal… de nombreux écrivains ont ainsi fait leur valise. Sur la route, de Jack Kerouac, est le roman culte du mouvement littéraire et artistique de la Beat Generation. Une déambulation dans les grands espaces américains, un voyage pour se trouver. « On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait », écrivait Nicolas Bouvier, l’un des plus célèbres de ces écrivains voyageurs, dans L’Usage du monde. Paul Theroux en train vers l’Asie, Bruce Chatwin dans le bush australien, Sylvain Tesson sur les rives du lac Baïkal… Il y a ceux qui fuient et ceux qui veulent se perdre, ceux qui veulent se confronter à l’inconnu et ceux qui aspirent à se retrouver face à eux-mêmes. Certains sont mus par l’esprit d’aventure, d’autres par la quête de sens. Tous partagent une curiosité infinie.

Sylvain Tesson pendant son voyage sur les rives du lac Baïkal.
Désert de Gobi traversé par Paul Theroux en train, voyage lui ayant inspiré La Chine à petite vapeur (1989).
Paysage cévenol sillonné à dos d’âne par Robert Louis Stevenson lors de son voyage raconté dans Voyage avec un âne dans les Cévennes (1879).

Livre en main

Les voyages littéraires ne sont cependant pas l’apanage des écrivains. Sans être tentés par l’écriture, nombre de voyageurs décident de partir sur les traces d’un auteur ou d’un récit. Certains livres contribuent tellement à l’imaginaire d’un lieu qu’ils en deviennent indissociables. Des lecteurs bouclent ainsi leur valise pour aller découvrir l’Islande sur les traces de l’auteur de polars Arnaldur Indridason, ou les îles d’Aran sur celles de Nicolas Bouvier. Parce que ces ouvrages donnent une dimension supplémentaire au voyage, nombreux sont ceux qui glissent dans leur sac les textes de J. M. G. Le Clézio avant de s’envoler vers l’île Maurice, ceux de Marcel Pagnol s’ils sont en route vers la Provence ou un exemplaire des Méharées de Théodore Monod, à lire sous les étoiles, le temps d’un trekking saharien.

Voyager vous laisse d'abord sans voix, avant de vous transformer en conteur.
Ibn Battûta

Compagnons de voyage

Véritable compagnon de voyage, le livre participe alors à l’aventure. Certains choisissent aussi de partager leur périple accompagnés d’un animal compagnon : un âne, un chien, un cheval… En 2021, Gaspard Kœnig relatait dans Notre vagabonde liberté son voyage de 2 500 km entre Bordeaux et Rome, sur les traces de Montaigne, avec sa jument Destinada. Longtemps avant lui, et deux ans avant de recevoir son prix Nobel de littérature, John Steinbeck avait écrit en 1960 son Voyage avec Charley, périple américain en camping-car accompagné de son caniche. Robert Louis Stevenson a traversé les Cévennes en 1878 avec son ânesse, baptisée Modestine. Quels que soient ces compagnons de route en littérature, le but du voyage est souvent soi-même. « Voyager, c’est partir à la découverte de l’autre. Et le premier inconnu à découvrir, c’est vous », souligne le photographe voyageur Olivier Föllmi.

L’éternel retour

Immanquablement, vient le moment où l’on atteint la dernière page du livre. Et celui du retour chez soi. Voyage et littérature partagent aussi ce point commun : ils sont des parenthèses. Parenthèses fécondes qui permettent d’ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, de se connaître mieux, de découvrir d’autres modes de vie, d’autres pensées, d’autres réalités. Et de les raconter : « Voyager vous laisse d’abord sans voix, avant de vous transformer en conteur », disait l’explorateur Ibn Battûta.

Sylvain Tesson en voyage sur les rives du lac Baïkal, raconté dans le livre Dans les forêts de Sibérie, récit autobiographique paru en 2011.
Oasis de Chinguetti, en Mauritanie. La Mauritanie et son désert ont inspiré Théodore Monod pour l’écriture de Méharées (1989).
L’un des paysages de l’Amérique profonde traversés et évoqués par Jack Kerouac dans son roman Sur la route (1957).

Interview

Gaspard Koenig

Philosophe et écrivain, Gaspard Kœnig est parti pour cinq mois de périple à cheval, de Bordeaux à Rome, sur les traces de la chevauchée entreprise par Montaigne en 1580. Un voyage dont il a publié le récit, Notre vagabonde liberté1.

Après vous être intéressé à l’intelligence artificielle, aux excès de la bureaucratie et des normes, vous décidez de partir à cheval sur les traces d’un philosophe du XVIe siècle… Pourquoi un tel voyage ?

Ma recherche première, c’est la liberté. Et justement, après avoir compris comment fonctionnent les algorithmes et le machine learning2, et m’être inquiété des phénomènes de manipulation que cela induit, j’ai eu envie de retrouver une forme de liberté existentielle. J’ai voulu faire un voyage qui me protégeait des injonctions, des environnements normatifs. Le cheval était un bon moyen car rien n’est prévu pour le voyageur à cheval. Il doit donc constamment s’adapter, se débrouiller, ce qui est très instructif. Montaigne était aussi un bon guide, car il développe une philosophie de l’incertitude, de l’aléa, qui se retrouve dans sa manière d’écrire, pleine de digressions, et dans sa manière de voyager, pleine de détours.

Le journal de voyage de Montaigne était-il un fil conducteur ?

C’était un camarade de route qui offrait une compagnie, et avec lequel je ne risquais pas de me fâcher ! Il procurait une intimité avec Montaigne. J’ai parfois retrouvé des scènes très concrètes qu’il décrit dans son ouvrage, comme lorsque j’ai été reçu à Florence par la marquise Gondi, dont l’ancêtre avait accueilli le philosophe quatre siècles auparavant, dans le même palais et autour du même vin. J’ai été plus surpris par les ressemblances avec le récit de Montaigne que par les divergences. On croit que la modernité réinvente tout, mais les villes, les paysages, les gens que je croisais ressemblaient aux descriptions de Montaigne.

Sur les traces de Montaigne, Gaspard Koenig et sa jument Destinada ont parcouru 2 500 km entre Bordeaux et Rome.

Un livre et un cheval, n’est-ce pas une façon de voyager “avec soi-même” sans voyager seul ?

Je n’étais quasiment jamais seul. Je traversais des régions peuplées, je demandais l’hospitalité, et le cheval est un animal qui attire la sympathie. Des gens m’accompagnaient parfois, tout le monde m’adressait la parole, le soir je parlais à mes hôtes. J’ai rencontré beaucoup de gens différents, justement parce que j’étais parti seul. En groupe, on reste ensemble. Pour aller à la rencontre des autres, il faut partir seul.

Cela donne un sens particulier au voyage ?

Je trouve qu’il est extrêmement important pour un philosophe ou un intellectuel de voyager, d’aller dans le réel, de trouver des interactions entre ses idées et le terrain. C’est la confrontation avec le réel qui donne du sens au voyage, pas l’objectif final. Trop de gens confondent voyager et se transporter : aller sur les traces d’une brochure touristique qui révèle d’emblée le but du voyage, c’est juste se déplacer. Montaigne explique très bien que c’est lorsque la route est droite et que l’on voit au loin l’objectif que l’ennui guette, pas quand le parcours est sinueux. Il faut voyager avec un prétexte, en tirant un fil. Un fil littéraire, c’est encore plus réjouissant, car c’est une matière travaillée…

1. Éditions de l’Observatoire, 2021.
2. Technologie d’intelligence artificielle permettant aux machines d’apprendre sans programmation spécifique.

Ses 5 conseils

1 - Construire son propre voyage

Ne pas se lancer dans un voyage que beaucoup d’autres ont fait avant, mais se laisser guider par ses propres envies littéraires et construire un voyage autour d’elles. Éviter donc de refaire des chemins trop connus. On peut simplement partir vers un lieu en rapport avec un livre ou un écrivain.

2 - Ne pas se focaliser sur l’arrivée

Éviter d’être obnubilé par l’objectif, le but du voyage. J’ai failli ne pas parvenir à mon but, jusqu’à Rome, car la jument était malade. J’étais déçu au début, et puis je me suis dit que cela n’avait pas d’importance. C’était une autre tournure que prenait mon voyage. Il faut apprendre à se dire que si l’on fait un détour ça n’est pas grave, on découvrira autre chose.

3 - Simplifier l’équipement

Prendre le livre en version électronique, sur une tablette ! En voyage, c’est plus léger, plus simple et plus pratique au quotidien. C’était d’autant plus important qu’à cheval il fallait alléger l’équipement.

4 - Rendre l’expérience ludique

Trouver des auteurs qui ont écrit un journal de voyage avec des annotations assez factuelles, des paysages et des descriptions, qui vont rendre l’expérience assez ludique, un peu comme un jeu de piste. Cela impose d’aller farfouiller, comme le ferait un historien, pour comparer notre modernité au récit.

5 - Éviter les itinéraires balisés

De la même façon, mieux vaut éviter les guides de voyage où tout est balisé, où chaque auberge est prévue, étape après étape. Tout devient alors factice, l’hospitalité se transforme en commerce. La vraie hospitalité, ce sont des gens qui vous font confiance, vous accueillent de façon très généreuse. Ce sont des gestes forts.

Texte

Olivier Cirendini
Journaliste et photographe indépendant spécialisé dans le tourisme et le voyage,
Olivier Cirendini signe des reportages dans la presse et de nombreux guides de voyage.
Tout en s’interrogeant sur cette singulière activité qu’est le tourisme…