De la solidarité dans l'investissement ?
En ce temps de pandémie où émergent des situations de grandes difficultés sanitaires, sociales et économiques, on pressent qu’on aura plus de chances de s’en sortir collectivement en faisant preuve de solidarité.
Mais qu’est-ce que la solidarité au fond ?
Le dictionnaire Larousse nous dit qu’il s’agit « d’un rapport qui existe entre des personnes qui, ayant une communauté d'intérêts, sont liées les unes aux autres » ou bien que c’est « un sentiment d'un devoir moral envers les autres membres d'un groupe ». Cette deuxième précision correspond sans doute le mieux à nos expériences actuelles de solidarité : avec les soignants lorsqu’on les applaudit chaque soir à nos fenêtres et balcons, avec nos agriculteurs lorsqu’on préfère acheter leur production, avec nos aînés lorsqu’on passe leur faire un petit bonjour et vérifier qu’ils n’ont besoin de rien, ou bien encore en tapant « OUI » sur le terminal de carte bleue lorsqu’on nous propose un arrondi sous forme de microdon au profit d’une association.
S’agissant des placements, où la relation est basée avant tout sur le profit et le rendement, comment alors intégrer la solidarité ?
Depuis plus de 10 ans a été développé en France la finance solidaire qui comprend deux grandes familles de produits.
La première comprend les placements qui intègrent un mécanisme de partage d’une partie ou de la totalité du rendement avec une organisation d’intérêt général comme une association ou une fondation. Certains produits d’épargne prévoient que le don est uniquement réalisé par le souscripteur, tandis que d’autres prévoient une symétrie de don entre l’épargnant et l’établissement financier. Le nombre de produits de cette dernière catégorie est en croissance sensible sur les dernières années.
L’autre catégorie de placements solidaires est celle qui investit dans des titres émis par des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) afin de les financer. Il s’agit d’entreprises, de coopératives ou d’associations dont l’activité poursuit un double objectif de performance sociale ou environnementale d’une part et financière d’autre part : par exemple les foncières sociales gérées par des mouvements associatifs comme le mouvement Habitat & Humanisme ou la fondation Abbé Pierre ou bien des organismes de micro-crédit comme France Active. Il est possible pour un particulier de souscrire directement aux titres financiers que ces entreprises émettent. Mais attention ces titres sont illiquides, sans aucune garantie de capital, ni de rendement. Ces titres devront par ailleurs correspondre au profil et aux objectifs et besoins de l’investisseur tout en ayant conscience du risque de perte en capital total ou partiel.
Pour réduire le risque de non liquidité, tout en diversifiant les acteurs de l’économie sociale et solidaire qu’on finance, on peut investir dans des OPC (Organismes de Placement Collectif) solidaires dits « 90/10 » proposés par de nombreux établissements. Ils sont nommés comme cela car 10% de l’encours est investi dans des acteurs de l’ESS. Les 90 autres pourcents sont investis dans des titres financiers cotés plus liquides et dont le niveau de risque est variable. Il faudra s’enquérir du niveau de risque global du support pour vérifier là encore qu’il correspond au profil et objectifs de l’investisseur et de sa capacité à subir des pertes. La possibilité d’investir dans des OPC solidaires est également proposé dans les plans d’épargne salariale.
Quel est le lien entre les investissements solidaires et les investissements socialement responsables ?
Rappelons que l’investissement socialement responsable vise, en tenant compte de critères extra financiers, à favoriser une économie et un développement plus durable.
Les investissements solidaires appartiennent à la catégorie des investissements responsables à 2 titres : d’une part parce que l’intégration d’un don, même faible au regard du montant investi, ou bien le fait de financer des entreprises solidaires concoure précisément à bâtir une société plus durable. Et d’autre part parce que les process de gestion des OPC de partage ou des fonds 90/10 intègrent la prise en compte de critères extra-financiers propre à la gestion responsable.
On le voit donc, la solidarité est bien compatible avec les placements socialement responsables ! Aussi lorsque nous aurons à faire notre prochain choix de placement, pourquoi ne pas évoquer cette possibilité avec notre banquier privé ?
- - - - - - - - - - - - -
(1) Depuis le 1er janvier 2010, en application de la loi de modernisation de l'économie (LME), toute entreprise disposant d'un dispositif d’épargne salariale doit proposer un Fonds Commun de placement d’entreprise solidaire (FCPES) à ses salariés. Les FCPES donnent la possibilité d’investir dans la création d’emplois, la construction de logements sociaux, la protection de l’environnement, tout en offrant une certaine rentabilité.