Périple en roues libres
Cinq jours. Plus de 600 kilomètres. Deux pays, deux hommes, deux vélos. Ainsi pourrait-on résumer le périple de Nicolas Cassier et d’Adam Katz Sinding, deux amoureux de vélo, de voyages et d’endurance. Mais on serait loin du compte. Car le voyage à vélo n’est pas seulement une affaire de muscles et d’itinéraire. C’est aussi et surtout une approche différente de la mobilité, de l’environnement et des personnes croisées en chemin.
Catalyseur de sympathie
« Le vélo est un catalyseur de sympathie », affirme avec entrain Nicolas Cassier. Peut-être parce qu’il est quasi universel. « Tout le monde monte sur un vélo à un moment ou à un autre de sa vie, où qu’il habite sur la planète. Il n’y a quasiment pas un endroit au monde où on ne trouve pas de vélo. » Ce sportif qui pratique aussi la course d’endurance à pied le constate chaque fois qu’il se met en selle pour de longues distances : « C’est un mode de transport dénué de toute agressivité. Quand on arrive avec un vélo, les gens sont sensibles à l’effort que cela exige, ce qui déclenche très souvent un mouvement de sympathie. On vous demande toujours d’où vous venez et où vous allez. Vous suscitez la curiosité, on s’intéresse à vous. »
Plus près des gens… et des éléments
Le cycliste français et son comparse danois l’ont vérifié durant leur tour sur la véloroute de la mer du Nord. Écologique, discret, silencieux, accessible et connu de tous, le vélo permet de voyager tout en restant près des gens et favorise donc les rencontres. Certaines mémorables, comme avec cet homme qui promène quotidiennement son saint-bernard sur la frontière germano-danoise. « Avec humour, il a déclaré qu’il aimait voyager et que chaque jour il quittait un peu le pays avec son chien », se souvient Nicolas Cassier. Ou encore avec cette habitante de Hambourg qui a dit aux deux cyclistes une chose qu’ils ont eu le temps de méditer : « Hambourg sans la pluie, ce n’est pas vraiment Hambourg… »
L’EuroVelo 12 est très bien fléché, vert sur blanc en Allemagne et blanc sur bleu au Danemark. Ces signes vous guident de port en port et jusqu’aux balises maritimes de Tönning, avec ses constructions de briques et ses rues pavées.
La devanture d’un restaurant routier danois. On y fait de belles rencontres, en plus de manger des spécialités locales.
L’heure bleue sur le port d’Esbjerg, le plus grand comptoir d’échange du Danemark. Sa cheminée contraste avec les pales des moulins à grains que l’on croise dans le bocage allemand.
C’est l’une des autres caractéristiques du voyage à vélo. La proximité, voire l’intimité avec les éléments, pour le meilleur et pour le pire. En selle, on ressent la caresse ou la rudesse du soleil, le vent qui augmente quand on pousse plus fort sur les pédales, le picotement des intempéries. Rien ne s’interpose entre le (ou la – rappelons au passage que l’activité est totalement unisexe) cycliste et ce qui l’entoure. Voyager à vélo, c’est faire corps avec la météorologie, la géographie, le relief, la lumière…
Les moutons sont omniprésents le long de la côte de la mer du Nord. Ils entretiennent la digue et veillent sur les sémaphores chargés de guider les bateaux vers le large.
Le regard portant vers l’horizon. À vélo, il faut apprendre à vivre avec la météo, qui donne vie aux paysages.
La pluie apporte des reflets et du caractère, un ciel bleu sublime, et met en perspective les greniers à grains.
Lever la tête du guidon
Les rivages de la mer du Nord ne sont pas les plus cléments d’Europe. Nos deux cyclistes l’avouent : ils ont parfois eu de la pluie et du vent de face. Il y a eu des moments où ils ont dû aller puiser en eux la volonté de donner le coup de pédale suivant. « L’EuroVelo 12 est un itinéraire très roulant avec des passages sur l’asphalte et d’autres sur des chemins ou du gravier, précise Nicolas Cassier. C’est un itinéraire accessible à tous mais il arrive bien sûr que la météo s’en mêle. Je me souviens d’un moment, sur la digue de la mer du Nord, où le vent était si fort que j’ai eu l’impression que le vélo allait reculer si j’arrêtais de pédaler. J’ai mesuré ma chance d’être là en levant les yeux du guidon : nous étions survolés par un aigle pygargue à queue blanche. Un rapace rare, protégé, magnifique, qui peut atteindre 2,40 m d’envergure. Dans ces moments-là, on oublie tous les tracas de la route et la difficulté de l’effort. »
Voir le monde autrement
Le voyage à vélo réserve des surprises, comme cette rencontre avec un rapace. « En voiture, on n’aurait pas connu un instant magique comme celui-ci, s’extasie Nicolas Cassier. Idem avec les hirondelles qui venaient tourner autour de nous. » Aucun doute, selon lui : le vélo offre un moyen privilégié d’appréhender le temps et l’espace, de ressentir son environnement. Il permet de voir les choses sous un autre angle, à un autre rythme, de découvrir des paysages qui, autrement, ne nous auraient peut-être pas touchés autant et d’évoluer sans peine dans les milieux les plus variés. « La sortie de Hambourg était étonnante, avec ces maisons de briques qui se reflètent dans des buildings de verre. Vient ensuite le quartier surnommé « le petit Notting Hill » et ses demeures de style anglais. Plus loin, la piste serpente entre pâtures et marais. Des oiseaux migrateurs viennent passer l’été à cet endroit et des moutons sont sollicités pour entretenir les pelouses de la digue. Ici, on traverse des sites industriels, on côtoie des porte-conteneurs, des géants d’acier de plusieurs milliers de tonnes.
Là, on pédale dans une réserve naturelle ou entre les dunes parsemées de cabanes scandinaves d’une lande sauvage. » En ville comme en pleine nature, le vélo permet de se sentir en phase avec tous les éléments, aussi différents soient-ils.
Éloge de la simplicité
Peut-être est-ce là, après tout, le grand mérite de la petite reine. C’est le mode de transport de la simplicité. Bien sûr, il existe maintenant des machines sophistiquées, ultra-légères, high-tech, avec cadre en carbone et changement de vitesses électronique, « mais il n’est pas nécessaire d’être suréquipé pour partir en voyage, insiste Nicolas Cassier. On peut aussi choisir des machines simples : on pourra toujours, n’importe où, trouver de quoi réparer en cas de casse. Et partir en semi-autonomie, avec juste un casque, quelques affaires et une brosse à dents ». Le minimum pour aller de l’avant et goûter à des plaisirs simples, comme le bain dans la mer du Nord que les deux cyclistes se sont offert à la fin de leur périple sur l’EuroVelo 12, derrière la langue de sable du bourg de pêcheurs de Hvide Sande. « Lorsque nous sommes arrivés, l’eau nous renvoyait les lumières orangées du soleil déclinant. Il ne nous restait plus qu’à poser les vélos et à nous jeter dans les vagues. »
Quelques clés pour se mettre en selle
Comment ?
Le voyage à vélo peut prendre autant de formes qu’il y a de cyclistes. « À vélo, on ne voyage pas pour la destination, explique Nicolas Cassier. Ce qui compte, c’est ce qui se passe en chemin. C’est entre le point A et le point B que l’on vit une expérience extraordinaire. On recherche davantage le plaisir du mouvement que l’attrait de la destination. » On n’a donc pas forcément besoin d’aller très loin. On peut parcourir 25 km par jour ou plus de 100 si on est dans une approche plus sportive.
Où ?
Partout. « Il suffit de trouver un prétexte ! Ça peut être un château à 30 km de chez soi. On peut faire un voyage de 50 km depuis la maison. »
Quand ?
Quand on veut. « C’est une parenthèse que l’on peut ouvrir et refermer à sa guise, assure Nicolas Cassier. Il suffit de se mettre en selle et de pédaler. »
Avec quel matériel ?
Ici encore, de nombreuses options sont possibles. Si on veut partir loin, il est préférable d’avoir un matériel un peu technique, qui sera plus efficace et léger. Mais, dans les faits, on peut voyager avec n’importe quel vélo, à condition d’adapter son programme à la machine, à ses envies et à sa condition physique. Les impératifs ? Un casque, un bon cuissard et une bonne selle. « La selle, c’est ce qui fait qu’on vit bien le voyage, précise Nicolas Cassier. C’est important, on reste des heures dessus. »
Avec qui ?
Tout le monde ! Sportifs ou pas, dilettantes ou accros à la performance, de 7 à 77 ans. En famille, en amoureux, entre amis. Avec tous ceux qui en ont envie. C’est encore plus simple, facile et accessible depuis l’arrivée des vélos électriques…
Qu’est-ce que l’eurovelo 12 ?
L’EuroVelo 12 est un itinéraire européen de voies cyclables de plus de 7 000 kilomètres faisant le tour de la mer du Nord, de l’Écosse à la Norvège, en passant par le Royaume-Uni, la France, la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède.
EuroVelo : un réseau de plus de 90 000 kilomètres d’itinéraires cyclables à travers 38 pays
Cette « Véloroute de la mer du Nord » a été la première voie EuroVelo ouverte en Europe, en 2001. Aujourd’hui, 16 autres itinéraires cyclables longue distance relient et unissent l’ensemble du continent, totalisant plus de 90 000 kilomètres de route. Ils s’appuient sur le réseau de routes et de pistes cyclables des pays traversés tout en disposant d’une signalétique européenne spécifique.
Pour en savoir plus : https://fr.eurovelo.com/