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Paris et l’art contemporain, une renaissance ?

Vue de l’exposition La pensée corps à la Fondation Pernod Ricard à Paris (France), 2022-2023.
1. Cet article n'engage que son auteur.

1 Une nouvelle génération de musées et de centres d’art privés.

L’installation de la Fondation Vuitton dans le bois de Boulogne, en 2014, a ouvert la voie à une série d’implantations significatives, telles que Lafayette Anticipations, dans le Marais ou, en 2020, la collection Pinault dans l’écrin de l’ancienne Bourse du commerce. En parallèle, des espaces historiques ont déménagé vers des lieux plus modernes, tels l’espace Agnès B (La Fab., dans le XIIIe arrondissement) ou la Fondation Ricard, dans le quartier Saint-Lazare. De nouveaux projets sont en cours, sous l’impulsion par exemple de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, sur le point d’investir le Carré du Louvre, ou de la Fondation Emerige, qui s’implante sur l’île Seguin, dans les anciens sites industriels de Renault, à Boulogne-Billancourt.

2 La multiplication des espaces de travail et de résidence pour les artistes.

Parallèlement à l’ouverture de lieux d’exposition, l’Île-de-France a enregistré une sensible augmentation du nombre de résidences d’artistes (ateliers mis à disposition gracieusement ou moyennant des loyers modérés), à l’instar des résidences Fiminco à Romainville, Poush à Aubervilliers (200 ateliers), 6B à Saint Denis (200 ateliers) ou des Grandes Serres de Pantin, pour ne citer que quelques exemples emblématiques. Même si Paris conserve la réputation d’être une capitale chère (en comparaison, par exemple, avec Marseille), ces lieux de création, toujours plus nombreux, contribuent de façon décisive à l’attractivité de la ville pour des artistes français ou internationaux. En particulier dans le contexte européen où l’accès au Royaume-Uni post-Brexit est moins aisé et où les loyers berlinois se sont envolés de façon spectaculaire.

La quasi-totalité des galeries de la scène internationale de l’art contemporain sont désormais implantées à Paris.

3 Le retour en grâce de la peinture et de la sculpture.

Déclarée « morte » en 1921 par Rodtchenko, le fondateur du constructivisme russe, la peinture n’a cessé, au cours du XXe siècle, d’essuyer les critiques des avant-gardes. À tel point que, des années 1970 au début du XXIe siècle, elle a été reléguée dans les écoles d’art françaises au profit de l’art conceptuel, des installations et de la vidéo. Longtemps délaissées, voire « ringardisées », la peinture et la sculpture ont retrouvé, depuis cinq ans environ, leurs lettres de noblesse dans l’enseignement en France. Une tendance qui facilite la commercialisation des œuvres produites par les jeunes générations d’artistes, la peinture et la sculpture représentant plus de 90 % du marché en valeur.

4 Toujours plus de galeries internationales.

L’arrivée de nouvelles galeries internationales dans la capitale s’est accélérée au cours des cinq dernières années, et la quasi-intégralité des poids lourds sont désormais implantés à Paris. Cette tendance est illustrée, entre autres, par l’arrivée de l’Américain David Zwirner, du Britannique White Cube, de la Berlinoise Esther Schipper ou, prochainement, du Suisse Hauser & Wirth. En parallèle, plusieurs galeries déjà présentes à Paris ont renforcé leurs dispositifs, à travers des sites supplémentaires pour Continua, Gagosian ou Thaddaeus Ropac, sans parler des nouveaux lieux ouverts dans le VIIe arrondissement par les galeries Perrotin, kamel mennour, Almine Rech ou Nathalie Obadia. Ce dynamisme s’appuie, en outre, sur la montée en gamme des foires commerciales parisiennes.

Bourse de commerce - Pinault Collection : Tadao Ando - Architect & Associates, Niney et Marca Architectes, Agence Pierre-Antoine Gatier.
15e édition du Salon du dessin contemporain Drawing Now Art Fair (2022).

5 La montée en puissance des foires commerciales.

Paris bénéficiait déjà de positions très fortes dans les marchés du dessin (avec le Salon du dessin et Drawing Now), de la photographie (Paris Photo) et des arts premiers (Parcours des Mondes). En 2022, le remplacement de la FIAC par Art Basel, à travers son édition « Paris+ », a marqué une nouvelle étape dans l’affirmation de Paris comme étape incontournable du « circuit » des collectionneurs internationaux d’art contemporain.

Paris est devenu une étape incontournable du circuit des collectionneurs internationaux.

6 De nouveaux quartiers de l’art contemporain.

De nombreuses galeries ont maintenu, voire augmenté leur voilure dans les quartiers traditionnels de l’art contemporain (le Quartier latin et le Marais), tout en marquant un intérêt croissant pour le quartier de l’avenue Matignon, qui s’affirme désormais comme un nouveau « hub » de l’art contemporain. D’autres quartiers, tels que Belleville ou Romainville, au nord de Paris, méritent d’être mentionnés. Mais la particularité du VIIe arrondissement est que cet écosystème, qui accueillait jusqu’alors principalement des marchands d’art spécialisés dans le second marché, s’est ouvert aux galeristes du premier marché, et ce à proximité de maisons de ventes telles que Christie’s, Sotheby’s et Artcurial.

7 Des maisons de vente en pleine forme.

Notons que les immeubles abritant Christie’s et Artcurial ont fait l’objet de rénovations importantes. La maison Sotheby’s, quant à elle, va transférer son activité vers un nouveau site avenue Matignon. Les maisons de ventes françaises affichent de solides performances commerciales, avec une part de marché en sensible hausse pour la France, passée de 5 % des ventes aux enchères mondiales en 2018 à 9 % en 2021. Elles semblent bénéficier d’un report d’activité post-Brexit, la part du Royaume-Uni étant tombée de 18 % à 13 % sur la même période2.

Se nourrissant les uns les autres, ces sept facteurs participent ensemble au dynamisme de la place parisienne. Paris bénéficie par ailleurs, historiquement, d’un terreau formidablement propice, à travers un tissu exceptionnel d’institutions muséales, de centres d’art et de collectionneurs, sans parler de ses autres atouts touristiques. Le bond en avant de Paris est donc susceptible de se prolonger, et nous réserve de belles surprises.

2. Art Market Report, UBS Art Basel, 2019 et 2022.

Entretien : Emmanuelle de L’Écotais

Depuis trois ans, le festival Photo Days fait dialoguer photographie contemporaine et lieux atypiques, à Paris et en Île-de-France. Emmanuelle de L’Écotais, fondatrice du festival, qui se déroule entre les mois d’octobre et de décembre, nous raconte la genèse de ce festival.

Pourquoi Photo Days ?

L’idée est née du fait que le Mois de la photo, qui a existé pendant quasiment quarante ans en France, a disparu en avril 2017. Le Mois de la photo précédait la Foire de la photographie, qu’aujourd’hui tout le monde connaît sous le nom de Paris Photo. Il m’a semblé que cela avait laissé un grand vide dans notre vie culturelle française et parisienne en particulier. J’ai souhaité le combler en apportant un nouveau moment fort autour de la photographie à Paris.

Pourriez-vous nous parler des galeries participantes et des circuits de visites ?

En 2020, nous avons commencé avec une trentaine de galeries dans Paris, pour passer à une cinquantaine d’espaces en 2021. En 2022, nous avons travaillé avec cinquante-cinq galeries dans Paris et la première couronne. Pour découvrir ces lieux, nous constituons des groupes de dix à douze personnes à qui nous proposons des parcours par quartier ou par thème.

Photo Days, ce sont des rendez-vous dans des galeries, mais aussi des lieux atypiques. Pourriez-vous nous citer des exemples ?

La Rotonde Balzac, qui est située dans les jardins de l’hôtel de Rothschild à Paris – le Centre national de la photographie pendant de nombreuses années – était tombée complètement dans l’oubli. Tout le travail de Photo Days a été de faire revivre ce lieu en faisant appel à des artistes contemporains. Pour notre édition 2022, Yann Toma, puis Jean-Michel Fauquet, ont investi ce lieu unique. Autre site atypique, We are_club, un club privé à l’esprit très anglais. Situé rue du Faubourg-Saint-Honoré, le lieu a d’abord accueilli la haute couture de la maison Christian Lacroix, avant d’abriter le musée du Parfum. Nous mobilisons également des artistes pour des projets très spéciaux, comme Noémie Goudal, qui a réalisé une installation in situ, sur l’une des grandes verrières de la façade de la gare de l’Est, ou encore Georges Rousse, qui réalise deux installations dans l’ancien Yacht-Club de Deauville. Je m’arrête ici car les exemples abondent !