Mudam : la citadelle étincelante de l’art contemporain
Pouvez-vous nous raconter la genèse du Mudam ?
L’idée d’implanter un musée d’art contemporain au Luxembourg remonte aux années 1980, une période de grands changements. Le gouvernement luxembourgeois souhaitait transformer le pays, autrefois florissant avec la sidérurgie, en une capitale financière mais également un pôle culturel. Il était initialement prévu de créer un musée d’art moderne avant que le projet évolue en fin de compte vers la création d’un musée d’art contemporain.
Un architecte extraordinaire, Ieoh Ming Pei, fut choisi pour créer ce musée.
En effet ! Le grand public avait été fasciné par les projets précédents de Pei, qui était très intéressé par la possibilité de créer une « trilogie européenne » des musées, composée du musée d’Histoire allemande à Berlin, de la pyramide du Louvre à Paris, et du Mudam au Luxembourg. L’histoire de ce lieu a joué un rôle fondamental dans la façon dont Pei a conçu ses plans. L’emplacement du musée, sur le Kirchberg, est unique, car il repose littéralement sur les restes d’une ancienne forteresse, le fort Thüngen. Par conséquent, les volumes sont à la fois modernes et anciens, et font la part belle aussi bien aux angles qu’aux courbes. La lumière, qui était également très importante pour Ieoh Ming Pei, inonde l’intérieur du bâtiment au travers de grands panneaux et fenêtres. Elle est également reflétée par les murs construits en pierre claire de Bourgogne. De l’extérieur, le bâtiment ressemble à une forteresse, mais de l’intérieur c’est un espace ouvert, lumineux et très agréable.
Comment décririez-vous la collection du musée ?
Deux volets composent notre collection. Nous disposons, d’une part, de nombreuses œuvres d’artistes reconnus sur la scène internationale et, d’autre part, nous sommes devenus le musée de référence pour l’art contemporain créé par des artistes luxembourgeois, dont nous achetons les œuvres les plus significatives. La collection rassemble plus de 750 pièces, un chiffre qui ne cesse de croître. Nous acquérons de nouvelles œuvres chaque année, de tous supports, et plus de 50 d’entre elles ont également été commandées pour entrer spécifiquement en résonance avec le lieu. La collection est réellement le reflet de notre modernité et des questions soulevées au XXIe siècle, telles que les sujets identitaires, la culture queer (ou altersexuelle), le colonialisme…
Collectionnez-vous l’art digital ?
C’est une question qui fait l’objet de nombreuses discussions dans la plupart des musées d’art contemporain de nos jours. Nous avons déjà mis l’accent de façon significative sur la photographie et le cinéma, et nous ressentons le besoin de représenter davantage l’art digital ainsi que la réalité virtuelle et augmentée. L’année prochaine, nous présenterons des œuvres de Ho Tzu Nyen, un artiste singapourien très avancé en termes de technologies. Grâce à celles-ci, il parvient à offrir au public de nouveaux récits, ce qui est essentiel pour les jeunes générations, aux attentes desquelles nous devons répondre.
Au-delà de la diffusion de l’art, quelles sont les responsabilités des musées vis-à-vis des publics et des communautés environnantes ?
Le musée est un espace protégé dans lequel les personnes peuvent se réunir et discuter librement de tous les sujets, à une époque où la société peut être très polarisée avec les médias sociaux. En tant que musée, nous devons créer un espace où les gens peuvent se rencontrer, se réunir et se connecter. Les musées jouent en effet un rôle important dans la façon dont les récits sont racontés, perçus et discutés. Nous avons à cœur de suivre toutes les tendances qui émergent à court terme, tout en prenant de la hauteur pour proposer une vision d’ensemble. Nous devons également nous connecter à notre environnement : l’un des rôles les plus importants de l’art est d’être un reflet de la société. Le Luxembourg accueille ainsi d’importantes communautés italiennes et portugaises que nous souhaitons, par exemple, prendre davantage en compte, d’une façon ou d’une autre, dans notre approche muséale.
L’environnement est-il un sujet que les musées doivent aborder également ?
Certainement ! C’est un autre grand défi auquel nous devons faire face. Ce bâtiment a été construit à la fin des années 1990, alors que le changement climatique n’était pas vraiment une priorité. Le verre est un matériau très présent, ce qui implique un besoin de chauffage important pendant la saison froide et de refroidissement durant les étés, qui sont de plus en plus chauds. Nous devons par conséquent explorer de nouvelles technologies qui permettent au verre de se transformer en panneaux solaires ou de s’assombrir en fonction du soleil. Au-delà du bâtiment, nous devons nous interroger sur d’autres sujets comme le transport et les déplacements : avons-nous vraiment besoin de faire voyager des œuvres d’art à travers le monde ou pourrions-nous envisager de faire notre sélection d’œuvres autrement, de manière plus responsable ? Pour demeurer une institution internationale, ce que nous souhaitons, nous pourrions envisager, par exemple, d’inviter des artistes d’Asie à travailler ici et à créer des œuvres qui resteraient dans la collection. Cela réduirait de façon considérable les impacts du transport. Les matériaux d’emballage pourraient aussi être réutilisés et/ou fabriqués à partir de matériaux recyclés.
Qu’en est-il du programme d’expositions et des actualités ?
Actuellement, nous exposons le grand peintre américain contemporain Peter Halley (jusqu’au 15 octobre), ainsi que Dayanita Singh (jusqu’au 10 septembre), une photographe et artiste majeure de l’Inde. De nombreuses œuvres de performances en interaction avec le public seront également proposées en fin d’année. L’art numérique sera à l’honneur l’année prochaine avec une exposition sur le cyber-féminisme des années 1960 et 1970, ainsi que sur Agnieszka Kurant, une artiste polonaise très intéressée par les nouvelles technologies. Nous proposerons en parallèle de ce programme des rencontres et des rassemblements festifs !