Musique - Instrument et musicien, un lien intime
Ou plutôt qu’il est choisi par elle, comme le dit le roman. Jean-Guihen Queyras et Élise Bertrand sont deux sorciers... de la musique.
Le premier est un des plus grands violoncellistes au monde. La seconde une jeune star du violon. Jean-Guihen Queyras, 56 ans, joue un violoncelle d’une grande rareté construit par le luthier italien Gioffredo Cappa en 1696. Élise Bertrand, 23 ans, joue un violon de 1796, signé Giuseppe Gagliano. Deux instruments prêtés par la Fondation d’entreprise Société Générale C’est vous l’avenir. L’un et l’autre utilisent des mots intimes voire amoureux pour décrire leur relation avec leur instrument. « Il n’y a pas de secret entre le Cappa et moi. Il sait tout de moi », confie Jean-Guihen Queyras. « Jouer un violon aussi ancien que le Gagliano fut une grande découverte, une grande émotion. J’ai tout de suite su qu’il me plaisait », renchérit Élise.
Il n’y a pas de secret entre le Cappa et moi.
Le nom de Stradivarius est aujourd’hui célèbre mais d’autres famille de luthiers ont marqué à jamais l’art de fabriquer des instruments de musique. Contemporain d’Antonio Stradivari, qui vécut entre 1644 et 1737 à Crémone, Alessandro Gagliano fut lui aussi le père d’une grande famille de luthiers à Naples, dont Giuseppe représente la troisième génération.
La dynastie des luthiers Amati à Turin a dominé la fabrication des instruments à cordes pendant cent ans et influencé Antonio Stradivari et Gioffredo Cappa. Les différences dans leur manière de fabriquer les instruments de musique sont minces aux yeux des non-initiés. Reste que ces grands noms ont en commun d’avoir installé une qualité de lutherie assez grande pour séduire de grands musiciens et faire que des générations de collectionneurs et de mécènes investissent dans leur achat et donc... leur conservation.
Jouer un violon aussi ancien que le Gagliano fut une grande émotion.
Se voir prêter un instrument ancien est un évènement pour un musicien. Jusqu’à ses 19 ans, Élise Bertrand jouait un violon anonyme. « Selon mes professeurs, ce violon n’était plus à la hauteur du niveau que j’avais acquis. » Alors étudiante au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, elle candidate pour se voir prêter le Giuseppe Gagliano. « Lors du premier essai, dans l’atelier de lutherie Vatelot-Rampal, j’étais dans un état de grande excitation. Le Gagliano est bien plus sonore que le mien, il permet une grande projection du son. »
Cette puissance sera un atout essentiel pour la suite de sa carrière : « Je suis plus rassurée sur ma capacité à me faire entendre au-dessus de l’orchestre. » Cette rencontre magique, Jean-Guihen Queyras l’a longtemps attendue. Il a fallu plus d’un an au violoncelliste pour trouver le Gioff redo Cappa qu’il joue désormais. Dans chaque ville où il se produisait, il contactait les luthiers locaux pour essayer des instruments. « C’était comme essayer d’entrer dans une relation, analyse Jean-Guihen Queyras. Nous avons un rapport très personnel avec nos instruments, des vases communicants. Les questions qu’on se pose sont nombreuses : vais-je commencer une vie avec cet instrument ? Vais-je jouer de la même manière ? Peut-il être ma voix ? » La rencontre se fait à Vienne en 2005. Queyras emprunte le Cappa de 1696 pour interpréter le Concerto pour violoncelle de Robert Schumann et le Concerto de Bruno Mantovani, une pièce écrite spécialement pour lui. Un choc : l’instrument semble aussi agile dans le répertoire romantique que contemporain. « J’ai été très impressionné. » Jean-Guihen Queyras décrit le son du Cappa comme « quelque chose qui rappelle un cheval pur-sang, il est racé, à la fois noble et nerveux ». Depuis ils ne se quittent plus.
Une collection au service de la jeunesse
Conscient du problème rencontré par les jeunes musiciens pour l’acquisition d’un instrument, le mécénat musical de la Fondation Société Générale C’est vous l’avenir pratique une politique d’achat d’instruments. Deux violoncelles, quatre altos et six violons de facture contemporaine et de qualité exceptionnelle sont mis à la disposition des élèves. « Comme dans une bibliothèque, explique Julien Dubois, responsable du parc instrumental au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP), les étudiants peuvent les emprunter. Mieux vaut les prêter plutôt que les laisser au coffre car un instrument qui n’est pas joué se “ferme” et perd en qualité sonore. » « Ce sont des instruments de grande qualité venus de toute l’Europe, qui permettent à des jeunes professionnels de passer des étapes clés de leur parcours comme des concours, explique Ulrich Mohrle, responsable du mécénat musical chez Société Générale. Il est essentiel que ces jeunes aient une ouverture vers le présent et le futur !»