
Le monde de Jean-Michel Wilmotte
L’agence d’architecture Wilmotte & Associés fête ses 45 ans d’existence. Quel est le dénominateur commun entre toutes vos activités (urbanisme, architecture, design, architecture d’intérieur, muséographie) ?
Jean-Michel Wilmotte: Certains peuvent effectivement se demander quel est le point commun entre créer une poignée de porte ou une corbeille de propreté, concevoir un équipement sportif, un domaine viticole, un quartier de ville ou une maison. En dépit de la diversité des échelles, ce qui m’a toujours passionné, c’est d’inventer un « objet » sur mesure, qui s’inscrit dans son environnement, avec un souci de l’élégance, du détail et de l’excellence.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
J.-M. W.: Nous travaillons aujourd’hui dans 29 pays. À chaque fois que j’arrive dans une ville pour commencer un nouveau projet, je suis curieux de tout. Sur la route qui me mène de l’aéroport à mon rendez-vous, je commence par observer ce qui m’entoure. Je tente de capter l’air du temps, l’ambiance, et de m’imprégner de l’environnement. J’ai besoin de beaucoup me promener à l’intérieur d’une ville, dans les marchés alimentaires, car ils donnent une vraie image de la vie quotidienne, mais aussi de déambuler dans les jardins, dans les musées et dans la ville elle-même.
De quoi se nourrit un architecte pour répondre à une commande ? Quelle est sa part de créativité dans un cahier des charges ?
J.-M. W.: Au début d’un projet, j’apprécie d’avoir un échange nourri avec le commanditaire ; un peu comme dans une partie de ping-pong. Je l’écoute avec attention pour comprendre ce dont il a besoin afin de lui proposer les solutions adéquates. Plus il y a de contraintes dans une opération, plus il y a de possibilités de s’exprimer. Dans ce métier, tout l’art consiste à éviter les obstacles et à rebondir sans cesse. Ma réponse d’architecte s’inspire à la fois de la demande du client, de mon expérience et de la symbiose des éléments locaux que j’ai captée.
Avez-vous des matériaux de prédilection ?
J.-M. W.: Le choix des matériaux constitue une étape importante de mon travail. Ces derniers doivent être à la fois contemporains et intemporels. En fonction du projet, j’opte pour le verre, le bois, la pierre (de préférence locale), l’acier ; parfois, je les combine. Il arrive que pour des raisons techniques et/ou esthétiques, on soit obligé de traiter la matière choisie. À l’aide d’outils de haute technologie, on la sable, l’oxyde ou on la métallise afin de lui donner une apparence différente. Ainsi, le « bulbe » doré de la cathédrale orthodoxe de Paris a été créé avec un matériau composite utilisé pour les coques de bateau. Résultat, ce dôme est six fois moins lourd que si on l’avait fabriqué en bois et en métal. Depuis les années 1980, l’agence dispose d’une bibliothèque de matériaux, une « matériauthèque ». Il s’agit d’une grande collection de matières déjà utilisées dans nos opérations, de nouveaux matériaux et de prototypes. Cela constitue une vraie source d’inspiration.
Vous avez publié, il y a quelques années, un livre intitulé Architecture intérieure des villes. Que signifie cette expression pour vous ?
J.-M. W.: La ville doit se composer comme une maison. Pour s’y sentir bien, tout doit s’envisager à l’échelle humaine, avec un soin particulier porté à la forme et au gabarit des immeubles, à l’éclairage urbain, au traitement du sol, sans oublier les espaces verts et la présence de l’art. Tous ces éléments donnent de la dignité à l’espace public. Personne ne cracherait dans son salon, il faut transposer cela à l’échelle de la ville.
Aujourd’hui, la meilleure façon d’être écologique, c’est de rénover. Cela évite de tout détruire pour reconstruire. Depuis toujours, j’apprécie donner une deuxième vie à d’anciennes constructions.
Vous parlez souvent de greffe architecturale. Est-il possible de faire du neuf avec de l’ancien ?
J.-M. W.: Aujourd’hui, la meilleure façon d’être écologique, c’est de rénover. Cela évite de tout détruire pour reconstruire. Depuis toujours, j’apprécie donner une deuxième vie à d’anciennes constructions. Cet exercice consiste à garder la mémoire des lieux, d’y greffer une intervention contemporaine. L’ancien hôpital Richaud, à Versailles, a été transformé en résidence de logements disposant d’un bel espace culturel, d’une crèche. Créée en 2005, la fondation Wilmotte organise cette année la 9e édition d’un concours dédié à la rénovation de bâtiments : le Prix W, ouvert aux jeunes étudiants et jeunes diplômés en architecture, dont les projets retenus seront exposés à la Biennale de Venise.
Les projets architecturaux, qui demandent une longue gestation, sont confrontés à un monde où tout s’accélère… Est-ce que cela demande une adaptation des process ?
J.-M. W.: Il faut savoir s’adapter aux délais, d’autant plus que le temps de réalisation des projets diffère sensiblement. Ainsi, le campus de Sophia Antipolis, sur la Côte d’Azur, ou le Rijksmuseum d’Amsterdam ont mis plus de treize ans à voir le jour alors que la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité, à Paris, s’est faite en deux ans, et le stade Allianz Riviera de Nice en 500 jours.
Quels sont vos grands projets du moment ?
J.-M. W.: Nous venons de livrer le Palais des Congrès du Touquet-Paris-Plage. Nous travaillons sur l’opération du futur campus parisien de Sciences Po, sur le centre d’entraînement du Paris-Saint-Germain à Poissy, sur le siège social d’ArcelorMittal au Luxembourg, et sur celui de la Maison des Nations Unies à Diamniadio, au Sénégal. À cela, il faut également ajouter le Centre de civilisation islamique de Tachkent, en Ouzbékistan, et bien d’autres…