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Marie Bochet : La vie, intensément
Les compétitions presque terminées, la saison se clôt, la neige disparaît, le printemps s’installe. Si la skieuse, atteinte d’une agénésie (malformation) de l’avant-bras gauche, n’a pas échappé au virus, elle déclare avoir, malgré tout, réussi à prendre « ce qu’il y avait à prendre » dans cette année très particulière. Le « ski intensément », toujours. Des pistes réservées aux seuls sportifs professionnels, des entraînements en Europe, multi-tests PCR à l’appui, et chez elle, en Savoie… « On a bricolé ! », résume cette sportive vorace. L’instabilité d’organisation fut finalement le plus dur à vivre pour cette habituée des agendas calés au jour près quatre ans à l’avance. Son plus gros regret ? L’impossibilité d’aller découvrir les toutes nouvelles pistes des Jeux paralympiques d’hiver 2022 en Chine. Marie aurait souhaité appréhender au mieux ses quatrièmes Jeux paralympiques : la culture locale, la neige, les déplacements, etc. « Se rendre sur place permet de dégrossir et d’être prêt à réaliser des performances.
Moi, j’ai l’habitude d’avoir beaucoup d’éléments, de prendre beaucoup de repères, reconnaît-elle. Il va falloir être très fort en adaptation, mais ce sont les leçons de cette année. Ça change notre façon de fonctionner. » L’objectif est d’autant plus important pour Marie Bochet que ce seront sans doute les dernières paralympiades pour celle qui a appris à skier à peine quelques années après avoir appris à marcher.
Des médailles à foison
Née à Chambéry en hiver, Marie Bochet dévalait déjà les pistes à 5 ans, avant de rejoindre le ski club d’Arêches-Beaufort, en Savoie, à 13 ans, et de participer aux Jeux de Vancouver à l’âge de 16 ans. « J’ai touché le podium du bout des spatules, avec la quatrième place à deux reprises. » Depuis, la championne, soutenue par Société Générale depuis 2010, n’a cessé d’enrichir son palmarès.
Il tient sur trois écrans de son site internet : quatre médailles d’or à Sotchi, en 2014, autant à PyeongChang, en 2018, vingt titres de championne du monde, 126 podiums en Coupe du monde et 35 victoires en Coupe d’Europe, et ceci, pour cinq disciplines (descente, super-combiné, Super-G, slalom et slalom géant) !
« Le sport m’a définie »
Au-delà des « sensations de vol, de glisse ou de légèreté, le ski, c’est un moment où tu es le maître. Tout ne dépend que de toi ». C’est un moment de liberté, évoque celle qui est bientôt diplômée de Sciences Po Paris. « On apprend beaucoup. C’est un effort dur et doux à la fois, mais une fois qu’on a la médaille d’or autour du cou, c’est unique et extraordinaire, on sait pourquoi on a fait tous ces sacrifices. » Intellectuellement formatée pour gagner, la Savoyarde invoque son environnement physique et familial comme source d’inspiration.
Pas une famille de champions, ni même de sportifs, mais des parents agriculteurs, « qui ont pris peu de vacances, ont toujours travaillé en extérieur… Ça a infusé dans mon éducation. Le sport a guidé ma vie. Cela m’a composée, formée, définie ».
La montagne, un « bureau » de rêve
Cette personnalité, qui défend des valeurs de travail, de persévérance, de volonté de se donner à fond, cultive un vif attachement pour sa région du Beaufortain. « Quand tu arrives au sommet de la station, tu te dis “waouh, le bureau !”, s’exclame cette ultra-sportive. La montagne, ce n’est pas qu’un endroit, ce sont aussi des valeurs : le respect de l’autre, la cohésion avec les gens avec qui l’on travaille… » Les moments en extérieur, comptés pendant le confinement, ont été très importants. Quand elle ne descend pas les pistes, la skieuse jardine, troque avec ses voisins, voit beaucoup ses proches. « Je suis assez altruiste. Avec ce sentiment, proche de celui d’un marin en mer, que seul, on n’est rien. Ici, on trouvera toujours quelqu’un », se dit Marie, qui n’envisage pas de s’éloigner de ses racines. Pour ce qui est de la haute compétition, c’est une autre affaire…
« Les grands sportifs ne font pas de bons petits vieux, on le sait », rappelle celle qui a passé quatorze de ses 27 ans en équipe de France. « La fin de carrière est l’aboutissement d’un long processus psychologique. Ce qui reste, c’est le dernier souvenir, explique la bientôt trentenaire, qui mise donc gros sur les Jeux en Chine. On se retrouve face à nous-même, face au néant. C’est sans retour ou presque. Un peu comme avoir un enfant : il faut arriver à se rédéfinir autrement, le processus est en cours. Je laisse une partie de ma vie derrière, même si ma passion première restera ancrée en moi. »
L’avenir qui se dessine
Son avenir post-Pékin pourrait tourner autour des valeurs de l’éducation. Aucun projet précis encore mais « pas mal de choses m’intéressent : le management d’équipes, l’organisation de circuits… Un besoin de mouvement, de rencontres, de partage, le tout dans un univers hivernal ».
Cette jeune femme, qui a évolué dans un milieu d’hommes, se verrait désormais davantage au contact d’enfants que d’équipes de haut niveau. Si le handisport a pris de l’avance sur la parité – Guislaine Westelynck est présidente de la Fédération française de handisport, Marie-Amélie Le Fur est présidente du comité paralympique –, Marie ne cache pas avoir toujours été un peu traitée comme un homme. La réflexion autour de la condition de l’athlète dans les Jeux– remettre le sport au centre, oublier la politique – la préoccupe tout autant. Son agénésie ne l’empêchant pas d’être, paradoxalement, très manuelle et créative, il lui faudra cependant du temps pour pouvoir faire quelque chose avec ses mains. « Est-ce parce que la performance sportive manque un peu de concret ? », s’interroge-t-elle.
Être des porte-parole
Si la relation au corps commence à se poser autrement, Marie n’envisage toutefois pas son « outil du sportif » comme différent. Skieuse debout – catégorie LW682, celle du handicap le moins lourd –, elle se sent très dégourdie avec ses seulement six doigts, avec lesquels « j’ai toujours appris. Ça ne m’intéresse pas vraiment d’avoir une deuxième main », balance-t-elle. « Ma vraie envie, c’est de partager. Grâce à la performance sportive, nous sommes nombreux à avoir mis en lumière le handicap. Cela donne confiance à d’autres et montre que de réelles performances peuvent se réaliser en handisport. Inspirer, confronter, être les porte-parole d’un regard différent sur la société, voilà comment je vois les choses, car le handicap, c’est la petite clé qui m’a ouvert des portes. »
Le confinement vu par Marie Bochet
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