Marchés de l’Art : Focus sur le marché des Maîtres Anciens
Dans la galaxie des œuvres et objets qui circulent sur le marché de l’art, en peinture, qu’entend-t-on par la dénomination « Maîtres Anciens » ? Comment se lancer sur ce marché où les œuvres sont rares ? Quelles sont ses caractéristiques, ses tendances ? A quels critères faut-il porter attention lors d’une acquisition ? Entretien de Laurent Issaurat, Responsable du service Art Banking de Société Générale Private Banking, avec Matthieu Fournier, Directeur du Département Maîtres Anciens & du XIXème siècle, Directeur Associé d’Artcurial.
Matthieu Fournier, Directeur associé d’Artcurial, Commissaire-priseur volontaire et judiciaire des Maîtres anciens et du XIXe siècle.
"Matthieu Fournier est directeur associé d'Artcurial et spécialiste en tableaux, dessins et sculptures, anciens et du XIXe siècle. Il est commissaire-priseur volontaire et commissaire de justice et accompagne les familles et les collectionneurs dans les spécialités qui sont les siennes.
Diplômé Commissaire-Priseur en 2006, Matthieu Fournier rejoint la maison de ventes aux enchères Artcurial et fonde le département Maîtres anciens et du XIXe siècle en propulsant à partir du milieu des années 2010 Artcurial au premier rang de cette spécialité en France.
Travaillant au sein d'une équipe passionnée et s'appuyant sur une importante documentation, Matthieu Fournier s’engage à faire rayonner et apprécier les trésors de la peinture ancienne auprès des amateurs et futurs collectionneurs."
© Artcurial
Laurent Issaurat : Que signifie la désignation « Maîtres Anciens » ?
Matthieu Fournier : Concrètement, cela désigne, en peinture, la période qui s’étend de la naissance de la peinture occidentale, en Italie, au Trecento, avec les idées de profondeur et de perspective qui germent, jusqu’à la Première Guerre mondiale. La « Grande Guerre », c’est le changement de monde le plus radical dans la culture occidentale. C’est la fin d’un univers, d’un âge d’or. Le cas des Impressionnistes, des premiers « Modernes » est délicat. Ils se situent à la charnière des époques. J’ajouterais que le qualificatif de Maîtres « Anciens » pose problème, car il n’y a rien d’ « ancien » dans ce qui est beau. Ce qui est beau est intemporel. Donc, selon moi, on devrait plutôt appeler ça les « Maîtres Intemporels ».
Laurent Issaurat : Est-il encore possible de trouver des œuvres sur ce marché et dans quel ordre de prix ?
Matthieu Fournier : Il faut savoir que le marché des tableaux de Maîtres Anciens est un marché de découvertes. On « redécouvre » régulièrement des œuvres majeures, qui souvent, ne sont pas signées et insuffisamment documentées… C’est un marché de la rareté : les musées sont très actifs à l’acquisition et il y a par conséquent de moins en moins d’œuvres disponibles. En termes de prix, on peut avoir une œuvre très importante à quelques dizaines de milliers d’euros, comme à plusieurs millions d’euros. En termes de places de marché, Londres était la principale il y a encore une dizaine d’années, mais tend à perdre son aura du fait du Brexit et des complexités douanières qui en découlent. Désormais, New York domine. Côté Français, nous ne sommes pas en reste. Historiquement, nous avons toujours été forts sur le segment des Maîtres Anciens et des ventes aux enchères en général : déjà, au XIIIème siècle, le marché des ventes « publiques » est un marché régulé par ordonnance royale ! Nous avons des droits très protecteurs à la fois pour l’acheteur et le vendeur et une jurisprudence qui s’enrichit, ce qui permet d’apporter des solutions en cas de conflit. Toutes les étoiles sont aujourd’hui alignées pour que Paris continue à prendre de l’importance dans ce paysage.
Laurent Issaurat : Comment peut-on s’assurer de l’authenticité d’une œuvre ancienne ?
Matthieu Fournier : Divers critères entrent en jeu, mais le premier, c’est de s’adresser aux bons experts, dont c’est le métier ! Pour authentifier une œuvre, un travail de fond, technique, exigeant est nécessaire. Il faut du temps et de la réflexion. Nous nous appuyons sur de la documentation, des bibliothèques, des archives. La première qualité d’un expert, c’est la modestie. Nous devons savoir nous remettre en cause, prendre du recul par rapport à l’œuvre qui est face à nous. Sur le marché des tableaux anciens, il y a beaucoup de versions, des versions d’atelier, des copies… Il faut être en mesure de bien identifier le tableau. L’une des clés est d’être à l’écoute du propriétaire de l’œuvre. Sa parole est clé, car il est le détenteur d’éléments pour comprendre finement l’objet que vous avez en face de vous, que ce soit son histoire, son arrivée dans la famille, le lien de parenté éventuel avec une personne figurant sur le tableau… Nous nous nourrissons de toutes ces informations et les traduisons dans notre authentification.
Laurent Issaurat : Quels conseils donneriez-vous à un collectionneur néophyte, désireux d’acheter ses premières œuvres ?
Matthieu Fournier : Il ne faut pas commencer avec des budgets trop importants, afin de se laisser le temps de prendre ses marques et de voir si l’univers de l’art ancien est un univers dans lequel on s’épanouit. Ensuite, je recommande de privilégier la qualité : des œuvres qui sont référencées, font l’office de publications, sont bien conservées… Il faut bien mettre en perspective les biens que l’on souhaite acquérir, c’est-à-dire, essayer de les placer dans leur environnement, aller dans un musée pour voir à quelle période de production ils correspondent, par exemple. Et surtout, il ne faut pas hésiter à solliciter le conseil des experts, qui sont à leur disposition pour les accompagner, tant au moment de l’acquisition que tout au long de la gestion de l’œuvre.
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