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L’immobilier de bureau : un secteur en mutation

La crise du bureau en France est un sujet majeur qui suscite de nombreux débats et réflexions dans le monde de l'immobilier. Avec l'évolution des modes de travail, l'impact de la crise sanitaire et les nouvelles exigences environnementales, le marché des bureaux traverse une période de transition. 

Maxime Egain

Conseiller en Immobilier chez Société Générale Private Banking

État des lieux du secteur

La crise sanitaire a profondément transformé les modes de travail en France, comme dans de nombreux pays européens. Le télétravail, auparavant perçu comme une pratique marginale, s'est rapidement imposé comme une norme pour de nombreuses entreprises. Selon une étude de l’Ifop, près de 70 %1 des salariés français souhaitent continuer à télétravailler au moins partiellement, ce qui réduit significativement la demande pour les espaces de bureaux traditionnels. À l’inverse, certaines entreprises essayent de limiter le télétravail.

Dans les grandes métropoles françaises telles que Paris, Lyon et Marseille, cette tendance s'est traduite par un surplus d'espaces de bureaux disponibles. Les taux de vacance ont augmenté de façon notable. Selon Immostat, en Île-de-France par exemple, le taux de vacance est passé de 5,5 % en 2019 à plus de 9 % au 3e trimestre 20242 et l’offre immédiate représente plus de 5,2 millions de mètres carrés3. Cette situation exerce une pression à la baisse sur les loyers et une augmentation des mesures d’accompagnement (franchises de loyer, travaux, loyers progressifs et mises à disposition). 

En Île-de-France, près de 2 millions de mètres carrés4 de bureaux sont en cours de construction, avec des livraisons prévues jusqu’au 4e trimestre 2027 d’après Cushman & Wakefields. Ces nouveaux projets incluent des immeubles à haute performance énergétique, des espaces modulables et des services intégrés pour répondre aux nouveaux besoins des entreprises. Au 31 décembre 2023, le parc de bureaux en Île-de-France est estimé selon l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise en Île-de-France (ORIE) à 55,47 millions de mètres carrés5 de surface utile. 

La compression de la prime de risque immobilière, écart entre l’OAT TEC 10 ans6 et le taux de rendement immobilier, a entrainé des pressions sur la valorisation des actifs. Ces dégradations furent accentuées par la hausse des taux de vacance et la forte dynamique de construction des années passées dans un marché où l’offre est plus importante que la demande. Les propriétaires et les investisseurs doivent donc faire preuve de créativité et d'adaptabilité pour valoriser leurs biens, en misant notamment sur des rénovations, des repositionnements ou des offres de services différenciants.

La crise des années 90

Dans les années 1990, le marché des bureaux à Paris et en Île-de-France (principal marché du bureau en France) avait également connu une forte hausse des taux de vacance. Cette période avait été marquée par une conjoncture économique difficile, avec une récession qui avait affecté de nombreux secteurs et avait notamment conduit à une réduction de la demande en surfaces de bureaux. Le taux de vacance à Paris avait alors dépassé les 10 %, avec des pointes à 12-13 % dans certaines zones de la première couronne. Les constructions avaient été nombreuses avant la récession avec un emballement entre 1991 et 1993, créant une offre excédentaire lorsque la demande a chuté. Les conséquences ont été similaires à celles d’aujourd’hui, avec une pression à la baisse sur les loyers et une augmentation des surfaces vacantes et un point bas de marché entre 1994 et 1995.

Le marché de l'immobilier de bureau s’est ensuite redynamisé entre 1996 et 1997 avec une diminution des mètres carrés disponibles progressivement grâce à plusieurs facteurs. D’une part, la reprise économique favorisée par la baisse des taux d’intérêts, la stabilité monétaire et la croissance économique a relancé la demande en bureaux, notamment dans les secteurs de la finance et de la technologie impulsée par l’émergence d‘internet.

D’autre part, l’arrivée des fonds américains ayant la technicité nécessaire et les liquidités suffisantes pour investir massivement ont représenté plus de 50 % des investissements immobiliers en France en 1996. Les investissements provenaient dans un premier temps de fonds gérés par des structures bancaires (Morgan Stanley, Goldman Sachs, Lehman Brothers) ou de grands groupes industriels (Général Electric, Cargill) puis par des fonds d’investissement indépendants à partir de 1998. Ces investissements massifs nord-américaines marquent le début de la financiarisation du marché immobilier et se multiplient dans les années 2000. Ces fonds dits « opportunistes » s’endettent de façon importante pour racheter les actifs parisiens dépréciés et optimiser la rentabilité de leurs fonds propres.

Le bureau, un investissement opportuniste

La crise du bureau en France représente à la fois un défi et une opportunité pour les acteurs du marché immobilier. Les taux de vacance élevés, le stock important de bureaux disponibles et les nouvelles exigences des utilisateurs nécessitent une adaptation rapide et innovante de la part des propriétaires et des investisseurs. Cependant, ces mêmes facteurs ouvrent la voie à de nouvelles stratégies d'investissement, centrées sur la rénovation, la flexibilité et la diversification. Les acteurs qui sauront anticiper et répondre à ces évolutions seront les premiers à en bénéficier.

Dans ce contexte, les opportunités d'investissement dans le secteur du bureau en France sont multiples. Les investisseurs peuvent notamment se positionner sur :

  • La rénovation de bureaux existants : transformer des bâtiments obsolètes en espaces modernes et éco-responsables peut constituer une stratégie gagnante, car elle répond à la fois à la demande des utilisateurs et aux nouvelles réglementations (décret tertiaire notamment).

  • Le développement de projets mixtes : combiner des espaces de bureau avec d'autres usages (résidentiel, commerce, services) permet de diversifier les sources de revenu et de répondre à une demande croissante pour des espaces de vie intégrés.

  • L'investissement dans des zones tendues : certaines zones, notamment dans Paris où le taux de vacance est encore de 2 %, offrent des opportunités d'investissement intéressantes en raison de leur potentiel de croissance et des demandes des utilisateurs pour la centralité.

1 Communiqué de presse du 30/04/2020 : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2020/05/CP-Securex-%C3%A9tude-T%C3%A9l%C3%A9travail-VF.pdf
2Etude réalisée en novembre 2024 : https://www.cushmanwakefield.com/fr-fr/france/insights/france-marketbeat-bureaux-idf
3Etude réalisée en novembre 2024 : https://cw-gbl-gws-prod.azureedge.net/-/media/cw/marketbeat-pdfs/2024/q3/emea/cw_marketbeat_bureaux-idf_2024-t3.pdf?rev=2568404ca100487eb9c31db6575d0f04&hash=37A1AB4C814AC3B86E3738B142839002
4 Etude réalisée en novembre 2024 : https://www.cushmanwakefield.com/fr-fr/france/insights/france-marketbeat-bureaux-idf
5 Communiqué de presse du 11/04/2024 : https://www.orie.asso.fr/actualite/publication-du-parc-bureaux-francilien-2023
6 L'OAT TEC 10 ans (Obligation Assimilable du Trésor – Taux de l’Échéance Constante à 10 ans) est le taux de référence des emprunts d’État français à 10 ans, reflétant le coût de financement de l’État et servant d’indicateur clé des conditions économiques et financières.


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