Barbara Hannigan, mentor passionnée
Réunissant autour d'elle des professionnels qui ont marqué sa carrière, Barbara Hannigan souhaite dorénavant transmettre ce qu'elle a acquis. EQ crée des situations d'apprentissage pour des chanteurs et des instrumentalistes en les familiarisant avec des situations professionnelles. EQ les met au défi et les pousse à développer leurs compétences afin de devenir des artistes complets. Mécénat Musical Société Générale, engagé depuis plus de 30 ans pour l'insertion professionnelle des jeunes musiciens en France, a décidé en juin 2019 d'accompagner le projet Equilibrium.
Votre engagement pour les jeunes remonte à votre enfance et à une enseignante… Racontez-nous !
Barbara Hannigan : J’ai souvent parlé de Miss MacEwen ! J’avais six ans lorsqu’elle est arrivée dans notre école pour enseigner la musique. Elle venait d’une famille de musiciens : ses deux parents avaient étudié à la Juilliard School of Music(l’une des écoles internationales les plus réputées pour la musique, ndlr). Il faut imaginer notre minuscule village au Canada : pour se rendre chez nous, il fallait prendre un chemin de terre. L’école était à l’autre bout du chemin ! Avoir une femme de ce calibre était un cadeau extraordinaire, dont je ne mesure qu’à présent l’importance. Ses compétences musicales étaient grandes, mais plus encore sa passion, sa joie de faire de la musique. Miss MacEwen est toujours une source d’inspiration immense. N’importe qui peut vous apprendre le rythme, l’harmonie et la théorie musicale, mais quelqu’un qui peut vous transmettre la passion est… précieux. J’ai compris avec elle qu’un mentor, un enseignant, peut nous inspirer non par ce qu’il apprend à l’autre, mais par la manière dont il le fait et se comporte avec les autres.
Justement, comment se comportait-elle ?
B.H.: Sa manière d’enseigner était magnifique. Elle me plaçait toujours parmi les enfants qui avaient des difficultés à chanter juste. J’étais très à l’aise, et Miss MacEwen savait qu’ils pourraient s’appuyer sur moi. Elle ne les a pas isolés. Elle les a mis au centre du groupe. Bien sûr, elle ne m’a jamais expliqué cela. Je n’ai jamais trouvé que c’était désagréable, je me plaçais là, naturellement. Cela m’a rendue plus forte. Je savais que je pouvais aider les autres. Voilà une autre belle leçon que je lui dois : aider les autres nous élève.
Cette expérience vous a-t-elle poussée à devenir chef d’orchestre, un leader ?
B.H.: Certainement pas chef d’orchestre : je n’y ai pas pensé avant d’avoir 30 ans !
Mais un leader, oui. Je n’aurais pas utilisé ce mot, mais l’idée de regrouper nos forces vient de cette époque. Dans un village isolé, avec la neige affectant régulièrement les transports, on ne peut survivre sans ses voisins. Le sens de la communauté était très fort. À l’école, c’était pareil : le bon en maths, en sport, en musique aidait l’autre.
Vous avez donné plusieurs masterclasses. Pourquoi créer un programme spécifique ?
B.H.: Je souhaitais trouver un moyen plus efficace d’aider, de transmettre ce que j’ai appris de la musique classique, de son économie, de la façon de construire une carrière. Tant qu’ils sont étudiants, les futurs musiciens professionnels ont accès à de nombreux programmes de formation, comme les masterclasses. Mais une fois diplômés… rien. Et, je l’ai constaté, ce moment de transition est délicat dans n’importe quel secteur : médical, bancaire, artistique… Il y avait un vide dans l’aide proposée aux jeunes musiciens. Voilà pourquoi j’ai créé Equilibrium.
Quelle est la plus-value d’Equilibrium ?
B.H.: Dans mon parcours, j’ai moins reçu l’aide de mes collègues chanteurs que celle d’autres musiciens : des compositeurs, comme Pierre Boulez, des instrumentistes issus des orchestres avec lesquels je chantais, des chefs d’orchestre, tel Sir Simon Rattle. Forte de 25 ans d’expérience, je peux solliciter ces personnalités de la musique classique. J’ai demandé à la soprano Natalie Dessay, au chef d’orchestre Daniel Harding ou encore au metteur en scène Kasper Holten d’intervenir auprès des jeunes d’Equilibrium. Nous avons tous connu des moments difficiles mettant à mal notre passion. Les jeunes doivent apprendre à gérer les difficultés d’un métier, d’une carrière en gardant la passion intacte.
Pourquoi avoir choisi le mot « Equilibrium » ?
B.H.: « Equilibrium » est le mot parfait pour décrire une carrière personnelle à plusieurs niveaux. L’équilibre est un état de changement permanent, qui doit toujours rester… balancé. Qu’importe si on a 30 % d’un côté et 70 % de l’autre, tant que l’équilibre demeure. L’idée n’est pas d’avoir toujours un « 50/50 ». Les changements permanents sont le quotidien du chanteur. Un violoniste devra adapter son violon si le temps est humide ou sec. Pour le chanteur, c’est pire : il se réveille le matin et son instrument a légèrement changé, c’est fou ! Mais Equilibrium signifie aussi, pour moi, comment être un collègue généreux, attentif, qui prend soin de lui comme des autres ? Comment rester honnête dans sa démarche artistique et remplir le frigo ? Je suis une privilégiée qui peut choisir tous ses projets. Mais les jeunes ?
Le fait d’être une femme est-il aussi une question ?
B.H.: Bien sûr. Tous les chanteurs doivent faire des choix, mais les chanteuses plus que les autres. Est-ce que je veux une carrière ou voir grandir mes enfants à la maison ? Quand ils ont l’âge d’aller à l’école, on ne peut plus les emmener en tournée avec nous : l’équilibre est aussi à trouver entre les questions domestiques et les désirs artistiques. C’est un questionnement sans fin ! J’apprends beaucoup des jeunes chanteurs. En 2019, ils sont confrontés à une situation beaucoup plus dure que celle que j’ai connue à la sortie de l’école.
Qu’est-ce qui a changé ?
B.H.: Internet ! Les réseaux sociaux ! Quand j’étais étudiante, à la fin des années 1990, on avait, au mieux, un téléphone portable et un e-mail. Les sites d’artiste n’existaient pas encore ou à peine. Les concerts étaient diffusés à la radio, mais très rarement filmés… Aujourd’hui, les jeunes n’ont pas droit à l’erreur. Facebook et Instagram exigent d’un artiste qu’il soit en permanence en promotion et conscient de ce qu’il fait. Impossible de trouver un coin tranquille ou de s’essayer à la Quatrième Symphonie de Gustav Mahler sans que quelqu’un n’en garde trace. Un documentaire a été réalisé sur EQ, Taking Risks. L’équipe de tournage a posé des caméras en permanence, pendant les auditions, les débats sur le choix des participants, le mentorat, l’intervention de Natalie Dessay et de Daniel Harding. Je voulais que l’on montre la pression que les chanteurs doivent affronter tous les jours.
Pour EQ, vous êtes entourée d’un coach sportif et d’une professeure de yoga. C’est original, non ?
B.H.: Le yoga est très pertinent, pour un chanteur, car il se focalise notamment sur le souffle, la respiration et les étirements. La présence de Jackie Reardon, coach sportif, est née d’un coup de coeur que j’ai eu en lisant son livre (Mindset – A mental guide for sport). Jackie analyse l’influence de la discipline mentale sur la performance. L’art lyrique ne repose pas seulement sur la technique vocale, mais aussi sur une discipline mentale : pour bien chanter, il faut savoir mobiliser sa technique, quel que soit le niveau de pression auquel on est confronté. On doit s’entraîner à maîtriser son attention, sa concentration. J’en ai moi-même fait l’expérience.
Aimez-vous faire passer des auditions ?
B.H.: Oui ! Pour les artistes, les auditions sont le plus souvent un moment douloureux, horrible, même ! Pour sélectionner les 20 jeunes de chaque promotion d’Equilibrium, j’ai voulu proposer autre chose. Ils chantent ou jouent devant plusieurs professionnels avec lesquels ils peuvent échanger et apprendre. C’est un travail énorme, car nous recrutons dans 39 pays, nous recevons quelque 350 dossiers et nous voyons 125 musiciens en audition.
Mécénat Musical Société Générale, mécène d'Equilibrium
Depuis plus de 30 ans, la constance et la cohérence des engagements de l’association Mécénat Musical Société Générale en font un mécène de référence de la musique classique en France.
Son engagement auprès des jeunes musiciens se traduit par le partenariat depuis 1988 avec les deux plus prestigieuses filières de formation musicale classique du pays : les conservatoires nationaux supérieurs de musique de Paris et de Lyon. L’association apporte une aide aux projets personnels de leurs étudiants : achat d’instrument, tournée à l’étranger, participation à un concours, etc. Pour accompagner l’essor des instrumentistes les plus prometteurs, Mécénat Musical Société Générale s’est aussi engagé dans la constitution d’un fonds d’instruments anciens et contemporains.
L’association soutient depuis 2017 la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, qui forme des jeunes chanteurs de 8 à 23 ans. Travaillant au sein d’une des plus anciennes maisons lyriques de France, cette troupe se forme au chant, à l’endurance, à la répétition, à la mise en scène, à la gestion du trac…
Equilibrium (EQ) prend le relais de ces initiatives au moment où le jeune diplômé se retrouve face à des choix importants. Soutenu par Mécénat Musical Société Générale, EQ incarne plus que jamais la signature du Groupe : « C’est vous l’avenir. »