Francfort, ville d'art et de finance
Francfort évoque immanquablement l'univers de la finance. Après l’installation de la Banque Centrale Européenne en 1998, la capitale du Land de Hesse a attiré de nombreuses institutions financières. Ce mouvement s’est d’ailleurs récemment accéléré, du fait de l’installation des sièges européens de plusieurs banques internationales, telles que Goldman Sachs, JP Morgan, Morgan Stanley, Citigroup, Nomura, Sumitomo Mitsui, UBS, Crédit Suisse ou Standard Chartered, en anticipation du Brexit.
Ce que l'on sait moins, c'est que depuis le début années 2000, la ville a radicalement modernisé et développé ses infrastructures muséales, devenant une destination culturelle à part entière pour l’amateur d’art. Francfort compte à présent une cinquantaine de musées et centres d’exposition, en grande partie situés le long des berges du Main et à deux pas du centre historique de la ville. Certains ont fait l’objet de rénovations ou extensions majeures (Schirn Kunsthalle, musée des Arts Appliqués et musée des Cultures du Monde, notamment), tandis que d’autres sont sortis de terre ex nihilo. Parmi les derniers-nés, on pense en particulier au centre d’art contemporain MMK 2, installé dans le Taunus Turm (la Tour Taunus), à la Goldkammer (inaugurée en 2019) et au Musée de la Musique Electronique, qui ouvrira ses portes en 2020. Ce dynamisme a bien entendu bénéficié du boom immobilier et du développement du quartier d’affaires de la ville, qui ont généré d’importantes rentrées fiscales. Il a également tiré profit, dans bon nombre de cas, du soutien direct des entreprises locales, renouant avec une tradition historique de mécénat, qui remonte au début du 19ème siècle. Ainsi, c’est un banquier et marchand d’épices, Johann Friedrich Städl, qui en 1815 a donné naissance -ainsi que son nom- à l’un des plus importants musées allemands, où le visiteur découvre une collection unique d’art européen du 16ème au 20ème siècle, tandis que le « Kunstverein » de Francfort, centre d’art contemporain majeur sur la scène allemande, a été créé à l’initiative de citoyens et commerçants de la ville, en 1829.
Cette tradition de mécénat culturel se prolonge résolument dans notre époque. A cet égard, la lecture des « tableaux d'honneur » consacrés aux mécènes des musées et centres d'art est édifiante, tant le nombre de donateurs institutionnels est élevé. Le Städl Museum, par exemple, jouit du support d’une cinquantaine d’entreprises, tandis que le musée d’art moderne MMK, s’appuie sur une soixantaine d’amis institutionnels, fondations privées -à commencer par la Fondation Jürgen Ponto, ancien dirigeant de la Dresdner Bank- et institutions financières, entraînées par un dynamique cercle d’amis, présidé par l’industriel Stefan Quandt. Dans le panorama des grands mécènes du Francfort contemporain, impossible, enfin, de ne pas mentionner Carlo et Karin Giersch, qui ont fait fortune dans la distribution internationale de composants électroniques, et dont l’implication philanthropique se matérialise par la fondation de plusieurs musées, résidences universitaires et centres de recherche éponymes, mais aussi des soutiens multiformes aux arts, à la science et la médecine.
Le résultat de cette remarquable conjonction d’ambition et de moyens, est que Francfort a créé en l’espace de quelques décennies une formidable vitrine sur les arts et donne l'exemple d'un développement vertueux, où la croissance économique, grâce à l'implication de ses grands acteurs dans le développement local, entraîne la culture dans son sillage.
Laurent Issaurat et Petra Mennong