Finance comportementale : comment les trajets en voiture nous éclairent sur notre cerveau
La finance comportementale se définit par l’application de la psychologie à la finance : elle se distingue ainsi à la théorie financière classique, en considérant les individus non pas comme des êtres purement rationnels, mais influencés par leurs émotions ou encore par les biais de raisonnement. A quelques jours des premiers départs en vacances, les longs trajets d’été et leurs inévitables embouteillages livrent quelques enseignements sur les biais comportementaux : « cascade informationnelle », « biais de corrélations » et « biais de mémorisation ».
L’itinéraire, l’exemple type de la « cascade informationnelle »
Les choix d'itinéraires ont souvent été utilisés pour décrire les biais de mimétisme et notamment la « cascade informationnelle ». Lors des départs en vacances, les automobilistes cherchent le meilleur itinéraire à suivre. Chacun sa technique pour gagner quelques précieuses minutes de farniente : carte routière, GPS, ouïe-dire, observations… Malgré les talents des uns ou des autres, l’exemple classiquement utilisé risque de se produire de nouveau :
Vous avez devant vous deux routes pour vous rendre dans votre lieu de villégiature, au bord de la mer. A priori, mais sans certitudes, la carte vous semblait indiquer que la route de gauche est plus courte que celle de droite. Mais vous êtes parti rapidement et sans cette fameuse carte. Heureusement (ou pas !), vous n’êtes pas seul(e) et nombreuses sont les voitures qui semblent se diriger également vers le bord de mer. Vous avez le temps de voir une première voiture prendre la route de droite (pour rappel, la plus longue selon votre souvenir). Une seconde puis une troisième s’y engouffrent également. Lorsque vous arrivez à la bifurcation vous pourriez vous appuyer sur votre souvenir mais vous décidez de vous fier à ceux « qui ont l’air de savoir ». Imaginons alors que les voitures qui vous ont précédé aient toutes eu le même raisonnement, à savoir suivre celle de devant… et que le premier conducteur ait choisi complètement au hasard…
C’est un exemple typique de cascade informationnelle : des décisions reposant sur l’observation du comportement des autres, sans que celui-ci soit validé comme étant rationnel ou pertinent. Un mauvais choix initial engendre alors un cumul de mauvaises décisions de la part des autres acteurs. Ces derniers ne modifient pas leurs choix malgré l’information dont ils disposent ou pourraient disposer.
La cascade informationnelle est régulièrement mentionnée pour expliquer des phénomènes de bulles ou de krachs boursiers. De la même façon, ce biais facilite la réalisation de certaines fraudes comme le système de Ponzi qui consiste à rémunérer les investissements des clients grâce aux fonds des nouveaux entrants) ou, à l’inverse, permet de s’assurer de certains succès commerciaux grâce au bouche à oreille (après avoir convaincu les premiers clients, les autres suivent plus facilement).
Les embouteillages, une situation qui laisse le temps de créer des corrélations illusoires
Ils permettent également d'illustrer certains biais spécifiques. Qui n'a pas eu l'impression d'être systématiquement dans la file la plus lente sur la route (comme au supermarché) ? Ce ressenti nous éclaire sur deux types de biais :
Un biais de corrélations illusoires
La loi de Murphy édicte que "Tout ce qui est susceptible de mal tourner, tournera mal". Mais bien que chacun sache que cette loi n'est absolument pas scientifique et donc pas avérée, les individus ont tendance à dresser des corrélations illusoires : inventer des corrélations qui n'existent pas ou exagérer de faibles corrélations. De ce biais naissent évidemment de faux espoirs de gains dans les placements ou une mauvaise diversification des avoirs.
Un biais de mémorisation
Pour réaliser une étude sur le sujet (Why cars in the next lane seem to go faster ? – Pourquoi les voitures de la file d’à côté avancent toujours plus vite ?), deux chercheurs canadiens (Donald A. Redelmeier & Robert J. Tibshirani) ont diffusé à des étudiants une vidéo d'embouteillages, filmée depuis l'intérieur d'une voiture qui circule. Les chercheurs ont volontairement sélectionné une séquence pendant laquelle la voiture est sur la file la plus rapide. Pour autant, 86% des étudiants ont considéré la séquence comme réaliste, 70 % ont eu l'impression d'être sur la file la plus lente et 65% auraient changé de file s'ils avaient été réellement en train de conduire ! Le ressenti très négatif éprouvé lorsque la voiture se fait doubler a donc davantage d'impact que celui éprouvé par un conducteur doublant une autre voiture. Cette étude met en avant le fait que l'on retienne plus facilement un instant désagréable qu'agréable. Traduit en finance, une déconvenue liée à une perte en capital restera plus durablement ancrée que des bonnes performances.
Bonne route pour ceux qui voyageront en voiture et surtout… bonnes vacances !