La finance comportementale
La finance comportementale est l’application de la psychologie à la finance : elle s’oppose ainsi à la théorie financière classique, en considérant les individus non pas comme des êtres purement rationnels, mais influencés par leurs émotions ou encore par les biais de raisonnement. C’est au travers de mises en situation que les chercheurs ont étayé l’existence de ces biais et leurs impacts.
En sensibilisant à la probable existence de biais la finance comportementale a pour objectif de permettre à chacun de prendre ses décisions financières de façon éclairée, en connaissance des facteurs susceptibles de l’influencer. Ceux-ci existent chez chacun de nous, avec une intensité différente selon notre personnalité et nos habitudes.
De nombreux biais comportementaux issus de la vie courante peuvent facilement se décliner en finance : “Entre deux restaurants identiques (même carte, prix et décor), l’un vide, l’autre rempli, lequel choisirez-vous ? Et si votre meilleur ami vous a conseillé le premier ? Il en va de même entre deux produits financiers dont un qui a beaucoup de succès et l’autre conseillé par une personne de grande confiance (famille, ami…) : quel serait votre choix ?”
Autre exemple tiré d’une étude spécifique à la finance et réalisée en 1988 par Samuelson & Zeckhauser1 : le biais de “statu quo” sur les décisions d’allocation de patrimoine. Dans le cas d’un héritage, l’allocation initiale a une influence déterminante quand bien même celle-ci n’est pas conforme au profil et/ou intérêts de l’héritier.
Les travers comportementaux influent ainsi sur le couple risque/rentabilité commun à de nombreuses décisions financières :
- par l’influence sur la perception ou l’acceptation de la prise de risque ;
- par l’impact sur le niveau d’espérance ou d’exigence de rentabilité ;
- ou encore sur la relation entre ces deux facteurs en introduisant une distorsion dans les choix.
Asymétrie entre le plaisir procuré par un gain financier et la douleur de la perte2.
Les différents biais comportementaux
Cognitifs : Formes de raisonnement qui dévient de la pensée logique ou rationnelle. “L’ancrage mental”, par exemple, correspond à l’utilisation de repères mentaux bloquant le raisonnement : le prix de départ du vendeur dans une négociation ou, dans le domaine financier, le cours d’achat d’un titre (que l’on ne souhaitera pas vendre en moins-value bien que les conditions aient drastiquement changé).
Emotionnels : Ensemble des émotions qui introduisent un biais dans le processus de décision. On peut citer le biais dit de “House money” (ou “argent discrétionnaire”) qui traduit une moindre attention portée à la gestion d’une partie spécifique du patrimoine ou des revenus. Ainsi, des fonds issus d’un héritage ou de plus-values réalisées ne seront pas gérés de la même façon qu’un salaire.
De décisions : Opérations mentales automatiques, intuitives et rapides qui sont sources de biais dans la prise de décision. L’un des biais les plus connus est “l’effet de disposition” défini comme la perception non linéaire et opposée des gains et des pertes amenant à conserver les positions (titres vifs, fonds, immobilier…) en moins-values trop longtemps et à réaliser trop vite les plus-values.
Sociaux : Influence des interactions avec les autres tels que comportements de mimétisme, biais culturels ou encore rumeurs. On y retrouve notamment la “cascade informationnelle” (illustrée par l’exemple du restaurant plus haut) dans laquelle l’individu choisit son action en se basant sur les actions des autres indépendamment de son propre jugement.
Les biais peuvent aussi bien être négatifs que positifs (“optimisme”, “surconfiance”…), à l’instar du “biais d’attribution” consistant à attribuer les bonnes performances à ses propres compétences et à attribuer les déceptions aux facteurs externes, non maîtrisés.
La finance comportementale reste une discipline discutée peinant encore à prouver son apport en termes de performances individuelles. Elle permet toutefois, en connaissant ses propres travers, d’ériger si nécessaire des garde-fous avant de prendre des décisions financière.
(1) Source : “Status Quo Bias in Decision Making”, William Samuelson (Boston University) & Richard Zeckhauser (Harvard University) ; publié dans le Journal of Risk and Uncertainty ;Mars 1988, Volume 1. - (2) Source : “Advances in Prospect Theory : Cumulative Representation of Uncertainty”, Amos Tversky (Stanford University) & Daniel Kahneman (University of California at Berkeley) ; publié dans le Journal of Risk and Uncertainty ; 1992, Volume 5. - (3)“The money game” publié aux éditions Vintage par George J W Goodman en, août 1976, sous le pseudonyme “Adam Smith”