Finances personnelles : chercher la réussite sans la laisser nous aveugler
Cet article fait le lien entre la beauté des sites archéologiques et celle d’un aspirateur… en passant par la robustesse des avions de guerre … On conviendra aisément que le lien ne paraît pas évident… Et pourtant il y en a bien un ! Celui-ci se trouve dans la façon dont nous raisonnons. Ces différents exemples permettent d’illustrer un biais qui tend à nous influencer négativement dans certaines de nos prises de décisions financières : le biais du survivant.
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Voir la poussière sous le tapis !
Peut-être avez-vous eu la chance de voyager et de vous émerveiller devant des vestiges historiques laissant penser à une robustesse particulière des constructions d’antan ? Quel est le lien entre la beauté de ces sites archéologiques et les efforts déployés pendant la triste période de la seconde guerre mondiale pour renforcer les avions revenus criblés de balles ? Pas grand-chose si ce n’est un biais : le biais du survivant, aussi appelé biais de survie.
Ce biais, au nom un peu triste, consiste en une tendance à se focaliser, voire à ne retenir que ce qui a survécu (au sens de la réussite) et, parallèlement à ne pas retenir, ni même prêter attention, à ce qui n’a pas survécu. En effet, à l’instar des quelques colonnes grecques encore debout, celles qui ont résisté sont bien plus visibles que toutes les autres. Ce biais a été vulgarisé par le statisticien Abraham Wald, pendant la seconde guerre mondiale, lors de son étude sur la façon de mieux protéger les avions de guerre revenant criblés d’impacts de balles. Plutôt que de renforcer les zones touchées qui n’avaient tout de même pas empêché le retour de l’avion, le mathématicien a suggéré de renforcer les parties intactes : sa conclusion étant que lorsque ces parties étaient endommagées, l’avion ne revenait pas !
Tout comme on ne retiendra que la robustesse des colonnes grecques en oubliant toutes celles qui ont disparu, on se souviendra des grands fondateurs d’entreprises à succès de la Silicon Valley, sans prêter attention aux très nombreuses entreprises qui ne survivent pas1. Et même pour les entreprises à succès, le fondateur d’une célèbre entreprise d’électro-ménager explique régulièrement avoir « réalisé 5127 prototypes avant de réussir, soit 5126 échecs » avant de commercialiser son aspirateur phare ! Moins distrayant que notre article sur « le biais d’ambiguïté et le choix de la tondeuse à gazon » mais tout aussi instructif !
Doit-on alors conclure qu’il est normal d’échouer dans ses placements financiers avant de réussir ?
Une aide à la réflexion plutôt qu’une excuse !
Une réponse positive à la question du dessus nous mettrait probablement plus à l’aise. Mais on préférera ici tirer quelques enseignements du biais du survivant plutôt que de légitimer les erreurs !
En matière de finances personnelles, la difficulté majeure réside dans la prédiction du futur : un changement d’environnement macro-économique (taux d’inflation, taux d’intérêts…), l’atteinte d’un rendement cible, la réalisation d’une plus-value, … Dans ce domaine, le biais du survivant se résume en une surévaluation des chances de succès d’une initiative, c’est-à-dire une concentration sur les réussites jugées similaires bien que celles-ci puissent constituer des exceptions statistiques (des « survivants ») plutôt que des cas représentatifs.
De façon concrète, le risque de mal appréhender le passé peut s’avérer grand. Ainsi, les études se penchant sur les stratégies ou les performances boursières des entreprises tendent à exclure celles qui ont fait faillite ou ont été rachetées, raison pour laquelle l’étude des performances historiques longs termes d’indices boursiers peut être compliquée. Les publications de chercheurs sont nombreuses pour évoquer la difficulté à juger des performances de catégories de fonds dont certains peuvent avoir disparu.
Au-delà des statistiques, le biais du survivant tend à exacerber l’optimisme. En se concentrant uniquement sur les réussites (en oubliant que si 100% des gagnants ont tenté leur chance, 100% des perdants aussi !), la perception de la réalité et des probabilités de réussite financière d’un placement peut être déformée et la prise de risque excessive. De même, en se focalisant sur une typologie d’investissement qui aura bien fonctionné pour un investisseur, on peut être tenté d’y voir une solution systématiquement adaptée, en ignorant les déboires d’autres investisseurs sur cette même classe d’actifs.
Pour faire simple, il faut s’intéresser autant aux échecs, moins visibles, qu’aux réussites !
Sans aller jusqu’à 5127 brouillons, cet article aura nécessité tant d’efforts invisibles ! …
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