Le comté de galway en tous sens
De la musique, avant toute chose
Nombreux sont ceux qui, hier encore, ne voyaient en Galway que « la porte du Connemara ». Il est temps de remettre les pendules à l’heure. En effet, ledit Connemara, sublime région de l’Ouest de l’Irlande, n’a pas besoin de porte : il est déjà une fenêtre ouverte sur une nature spectaculaire. Galway, quatrième ville du pays, siglée cette année Capitale européenne de la culture, a quant à elle ses atouts propres. À commencer par la musique, a fortiori traditionnelle. Elle est ici une institution, sinon un art de vivre, qu’il s’agisse des scènes improvisées dans les rues piétonnes du Latin Quarter ou des lieux dédiés, comme les pubs The Crane (Sea Road) ou Tig Coili (Mainguard Street). Sur un mur de ce dernier, une pancarte prévient : « Please, Respect the Musicians ! ». Flûte, violon, banjo, concertina (petit accordéon), guitare…, les combinaisons sont légion et les notes coulent à flots, à l’instar de la bière locale, la Galway Hooker. Parfois, un client se lance a cappella… Et l’assistance de reprendre en chœur le refrain de la chanson.
À Galway, la ritournelle se joue aussi sur un autre piano, celui de grands chefs cuisiniers. Depuis quelques années, la ville est en effet devenue un haut lieu de la gastronomie. Chez Kai (Sea Road), le menu, créatif, propose, entre autres, une salade de céleri râpé au crabe du comté de Clare, saupoudré de graines de courges, ou des côtelettes d’agneau de Roscommon à la betterave et au tahini vert. Neuf mois à peine après son ouverture, en 2015, le restaurant Loam (Geata na Cathrach, Fairgreen Road) a, lui, décroché une étoile au Michelin. Son chef, Enda McEvoy, affiche une ferveur non feinte envers les produits de l’Ouest irlandais : « J’ai tissé des relations étroites avec des fermiers et des producteurs locaux, explique-t-il. Je cuisine aussi avec ce que me donne le terroir, comme des algues au petit-lait ou de l’ail sauvage, que je vais moi-même cueillir dans la montagne, en été, et que je fais sécher pour l’hiver ». Hormis le faisan aux chanterelles ou le canard sauvage aux salsifis et à la chicorée, son « plat signature » n’est autre que le calamar aux shitakés. « Dans notre région, les fruits de mer et les crustacés sont succulents », assure Enda McEvoy.
L’Irlande étant une île, les parfums iodés sont de mise. À une encablure de Galway, la région du Connemara est une grande pourvoyeuse d’huîtres. De nombreuses baies, telle celle de Ballinakill, y concentrent une eau claire, riche en plancton. Réputés pour leur goût subtil, les mollusques locaux – des Crassostrea gigas – s’exportent dans le monde entier. Connemara Oyster Festival, à Ballyconneely, ou Galway International Oyster & Seafood Festival… les manifestations qui leur sont dédiées ne manquent pas. Sur la terre ferme ou, plus exactement, sur les flancs herbus du fjord de Killary Harbour, Tom Nee, quatrième génération d’éleveurs de moutons, s’occupe, lui, d’un cheptel de 600 bêtes. Ses Blackfaces du Connemara sont les descendants directs de ceux importés en masse d’Écosse par bateau, au XIXe siècle. Même à longue distance, Tom Nee distille ses ordres par le biais d’interjections courtes et stridentes, afin que son chien, jeune Border Collie, rassemble les bêtes. « Un simple regard de sa part et les moutons obéissent illico, souligne son maître. Elle a les yeux aussi puissants que ceux d’un loup. » La démonstration est bluffante. Le contraste entre les têtes noires et les toisons blanches amuse. Si la tradition lainière est ancestrale, des stylistes n’hésitent pas à la revisiter aujourd’hui (voir ci-dessous).
Des huîtres et des moutons
L’Irlande étant une île, les parfums iodés sont de mise. À une encablure de Galway, la région du Connemara est une grande pourvoyeuse d’huîtres. De nombreuses baies, telle celle de Ballinakill, y concentrent une eau claire, riche en plancton. Réputés pour leur goût subtil, les mollusques locaux – des Crassostrea gigas – s’exportent dans le monde entier. Connemara Oyster Festival, à Ballyconneely, ou Galway International Oyster & Seafood Festival… les manifestations qui leur sont dédiées ne manquent pas. Sur la terre ferme ou, plus exactement, sur les flancs herbus du fjord de Killary Harbour, Tom Nee, quatrième génération d’éleveurs de moutons, s’occupe, lui, d’un cheptel de 600 bêtes. Ses Blackfaces du Connemara sont les descendants directs de ceux importés en masse d’Écosse par bateau, au XIXe siècle. Même à longue distance, Tom Nee distille ses ordres par le biais d’interjections courtes et stridentes, afin que son chien, jeune Border Collie, rassemble les bêtes. « Un simple regard de sa part et les moutons obéissent illico, souligne son maître. Elle a les yeux aussi puissants que ceux d’un loup. » La démonstration est bluffante. Le contraste entre les têtes noires et les toisons blanches amuse. Si la tradition lainière est ancestrale, des stylistes n’hésitent pas à la revisiter aujourd’hui (voir ci-dessous).
Une lumière qui change à chaque instant
Le Connemara est un rêve de paysage naturel : une beauté, certes, sauvage et rude, mais au charme irrésistible. Entre Maam Cross et Clifden, sur la N59, impossible de rater Pines Island. On dirait un tableau. Dressé à une extrémité du lac Derryclare, cet îlot de hauts conifères torturés par les vents n’est pas à un paradoxe près. Dans le brouillard matinal, il se fait aquarelle chinoise à l’encre un brin délavée. Sous un rai de soleil, il devient jardin japonais aux bonsaïs surdimensionnés. Cette région balayée par la mer n’est qu’un patchwork de tourbières, dont les couleurs changent au fil de la lumière, et de petits lacs – les Loughs – aux eaux noires. Le ciel s’y reflète, décuplant ainsi le sentiment d’un espace infini. Entre la ville de Clifden et le petit port de pêche de Roundstone, se déploie une route cahoteuse : la Bog Road [« route des tourbières »]. Elle serpente entre de vastes étendues de landes et donc, desdites tourbières, avec, en toile de fond, la silhouette chauve des monts Twelve Bens. Le sol gorgé d’eau de ce dédale végétal est aussi mou qu’une éponge. Le 15 juin 1919, le biplan des pilotes anglais John Alcock et Arthur Whitten Brown s’y est brisé en deux en atterrissant dans le Derrigimlagh Bog, après un voyage de 3 000 km au départ de l’île de Terre-neuve, au Canada.
De son côté, la bien nommée Sky Road [« route du ciel »], sublime tronçon étroit et sinueux, est suspendue aux nuages. Elle fait le tour complet de la péninsule de Kingstown, entre la baie de Clifden, au Sud, et celle de Streamstown, au Nord. Le panorama, entre ciel et mer, est à couper le souffle. Qui plus est à l’aube, quand les brumes se prélassent encore. Seules quelques maisons émergent difficilement de cette onctuosité. On perd de vue le monde d’en-bas. Celui des hommes.
The Tweed Project, la laine nouvelle génération
Aoibheann McNamara et Triona Lillis ont ouvert, en 2014, à Galway, un petit atelier baptisé The Tweed Project. Se revendiquant du mouvement Slow Fashion, qui privilégie la qualité, le travail artisanal et le respect de l’environnement, les deux créatrices utilisent du tweed premium issu de la région du Donegal et de lin irlandais. À travers leurs collections – vêtements et plaids – aux lignes contemporaines, elles comptent bien insuffler une modernité et un toucher plus souple au tissu rigide de jadis.
5 INDISPENSABLES POUR ABORDER LE COMTÉ DE GALWAY
Galway, capitale européenne de la culture…
Jusqu’en janvier 2021, de Galway jusqu’aux paysages sauvages du Connemara, une myriade de manifestations culturelles (théâtre, musique, danse, cinéma, littérature et… gastronomie) sont programmées.
www.galway2020.ie
… et capitale mondiale de la gastronomie
Fin décembre, la revue culinaire anglaise BBC Good Food a désigné Galway comme « première destination foodie au monde pour l’année 2020 ». La créativité culinaire n’y est donc pas un vain mot. Ouvert en 2016, le gastro-pub John Keogh’s (22-24 Upper Dominick St.) a été élu, l’an passé, « Irish Pub of the Year » par le guide McKennas. À la carte : saumon mariné au whisky, poitrine de porc réduite au cidre… Chez Ruibin Galway (1 Dock Rd), les huîtres s’accompagnent, elles, d’une vinaigrette relevée au yuzu.
The Quay House, à Clifden
À l’extrémité du port, l’ancienne capitainerie, construite en 1818, a été métamorphosée en un cosy havre de paix, doté d’une quinzaine de chambres. Servi face aux bateaux, le petit-déjeuner – saumon fumé, fromages fermiers et, en saison, huîtres – est somptueux.
www.thequayhouse.com
Des édifices remarquables
Au cours de la déambulation dans le Connemara, le visiteur pourra se délecter de deux perles patrimoniales, érigées au XIXe siècle. Plantée sur une rive du lac Pollacappull, l’abbaye de Kylemore est un manoir de style victorien, dont une partie héberge encore des sœurs bénédictines. Converti en hôtel de luxe, le château de Ballynahinch est, lui, un bijou d’architecture dissimulé au cœur de 450 hectares de forêts et de massifs de rhododendrons.
On the road again
Le Connemara est parcouru de routes splendides. Outre les Sky Road et Bog Road, empruntez la section de la Wild Atlantic Way ouest-irlandaise (2 500 km), qui longe la côte déchiquetée, de Galway jusqu’à Killary Harbour.