
La Biennale de Venise, rendez-vous mondial de l'art
Une brève histoire de la Biennale
Grâce à son pouvoir d’attraction planétaire, la Biennale attire les passionnés d’art, des simples amateurs aux collectionneurs les plus avertis, en passant par les marchands, directeurs de musée et commissaires d’exposition, journalistes et reporters du monde entier, sans oublier les cohortes d’artistes qui viennent présenter leur travail ou découvrir celui d’autres créateurs.
Conçue en 1893, la première « Exposition internationale d’art de la cité de Venise » se tint en 1895 et accueillit 200 000 visiteurs. Dès sa deuxième édition, en 1897, elle fut rebaptisée « Biennale », puis, en 1934, « Biennale d’art contemporain ». Elle connut, bien sûr, quelques interruptions liées aux soubresauts de l’histoire du xxe siècle. Aujourd’hui, rançon – peut-être – de sa notoriété, elle est tout simplement la « Biennale de Venise », dont la 58e édition se tient du 11 mai au 24 novembre 2019.
Une organisation originale
Lors de sa création, la Biennale organisait assez classiquement une exposition de plusieurs artistes dans les Giardini (« les jardins ») de Castello, dessinés en 1834, et les accueillait pour de vastes fêtes nocturnes. Rapidement, sont édifiés des pavillons nationaux, au nombre de 29 aujourd’hui, que chaque pays confie à un ou plusieurs artistes de son choix. Le trentième pavillon des Giardini – le pavillon italien – est au cœur du dispositif, car c’est là qu’un directeur, différent à chaque Biennale, invite des artistes à venir s’exprimer autour d’un thème donné. Dopée par sa popularité toujours grandissante, la Biennale s’appuie aujourd’hui également sur un deuxième site, industriel celui-là, jadis chantier de construction navale appelé L’Arsenale (« l’arsenal »).
À l’avant-garde de la création
Fidèle à l’esprit de ses origines, l’objectif de la Biennale est d’être la vitrine de la création internationale de son époque. Aussi, ses organisateurs successifs se sont employés à y inviter les artistes les plus novateurs et à encourager la création grâce à l’attribution de récompenses et de prix, les fameux « Lions ». La Biennale se veut le reflet, et le promoteur, des tendances artistiques contemporaines. À l’écoute des grandes mutations de la création artistique mondiale, de la multiplication de ses modes d’expression, elle consacre des artistes confirmés, mais soutient également la montée en puissance d’artistes plus jeunes. Laure Prouvost, par exemple, à 41 ans, représente la France cette année. Camille Henrot remporta, quant à elle, à l’âge de 40 ans, le Lion d’argent en 2013 avec sa vidéo Grosse Fatigue. En 2017, à 39 ans, l’Allemande Anne Imhof gagne le Lion d’or du meilleur pavillon, avec une performance hors norme, inquiétante et inoubliable.
La Biennale 2019, ses principales manifestations
Si l’Europe occupe une large part des pavillons nationaux, tous les continents sont représentés. Cette année, on note la première participation de Madagascar, ce qui renforce la représentation de la diversité géographique dans cette manifestation et l’ouverture à des expressions artistiques parfois méconnues. On peut aussi souligner le choix du Canada de confier son pavillon à Isuma, un collectif inuit de réalisation et de production vidéo. Parmi les autres installations très attendues, citons celles de Natascha Süder Happelmann (Allemagne), Jos De Gruyter et Harald Thys (Belgique), Martin Puryear (États-Unis), Laure Prouvost (France), Cathy Wilkes (Grande-Bretagne), Pauline Boudry et Renate Lorenz (Suisse).
En ce qui concerne l’exposition thématique, « May you live in interesting times » est le sujet que Ralph Rugoff, le charismatique directeur de la Hayward Gallery de Londres et commissaire de la Biennale 2019, a choisi de soumettre aux artistes invités. Cette imprécation, attribuée depuis plus de cent ans à la Chine, est en réalité une invention occidentale, une fake news avant l’heure ! Ralph Rugoff a souvent souligné son intérêt pour un art qui associe plaisir et pensée critique. Et il n’a jamais eu peur d’organiser tout au long de sa carrière des expositions autour des enjeux et défis actuels avec une bonne dose d’humour. Pour lui, « May you live in interesting times » est un thème assez ambigu pour réunir les deux. « C’est moins une imprécation qu’un défi, et l’art peut nous aider quand le monde fait face à des crises et des changements qui peuvent causer anxiété, désespoir et frustration. » Et, ajoute-t-il, « “May you live in interesting times” inclura des créations largement ludiques, illustrant le fait que c’est lorsque l’on joue que nous sommes le plus pleinement humain*. »
(*) Javier Pes, ”‘We Can All Be in Different Worlds’: Ralph Rugoff’s Venice Biennale Will Respond to the Rise of Fake News“, news.artnet.com, 16 juillet 2018.
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Une effervescence artistique dans toute la ville
Au-delà des deux institutions que sont la Fondation Peggy Guggenheim pour l’art moderne et la Fondation Pinault pour l’art moderne et contemporain, le « off » existe aussi à Venise : nombre de palais et de monuments sont le cadre d’expositions variées. La collection Peggy Guggenheim, abritée au sein du palais Venier dei Leoni, au bord du Grand Canal, présente une des plus belles collections d’art moderne d’Europe. La Fondation Pinault montre une partie de sa collection dans le magnifique édifice de la Pointe de la douane (Punta della Dogana), mais consacre de surcroît, lors de chaque Biennale, une exposition à un artiste contemporain majeur, dans le non moins splendide palais Grassi. En 2019, ce sera la première exposition personnelle en Italie de l’artiste belge Luc Tuymans, mégastar de la scène mondiale.
Mais tout est art à Venise : une simple balade dans ses ruelles… et ses palais et églises, dont l’architecture aussi bien que les intérieurs sont un témoignage du lien ancestral de la ville avec la création artistique.