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Audrey Bourolleau réinvente l’agriculture

Avec son campus HECTAR, Audrey Bourolleau propose au secteur agricole français des solutions concrètes et disruptives afin de le rendre économiquement viable, juste et pérenne. Rencontre avec une entrepreneuse déterminée qui entend bien réconcilier les jeunes générations avec le monde agricole.

Alors que les médias se font l’écho d’agriculteurs épuisés et vivant difficilement de leurs revenus, c’est une tout autre image qu’Audrey Bourolleau donne à voir. Celle de chefs d’entreprises agricoles qui seront capables de créer de la valeur, d’avoir une meilleure qualité de vie et de développer des modèles durables pour la planète.
Cette vision enthousiasmante repose plus sur son cheminement professionnel que sur ses origines, même si elle est petite-fille d’agriculteurs. Après avoir fait ses armes à l’international chez BIC, Audrey travaille près de quinze ans sur ce qu’elle appelle des « produits à sentiment », au sein de la viticulture française...

Une université verte

HECTAR est un campus agricole unique aux portes de Paris qui réunit l’agriculture, l’entrepreneuriat et les nouvelles technologies. Les programmes d’HECTAR s’adressent aussi bien aux futurs agriculteurs porteurs de projets d’agriculture innovante, qu’aux agriculteurs installés souhaitant faire évoluer leurs pratiques.

2

ans d'exploitation.

1,000

jeunes sensibilisés en 2023.

80

start-ups accompagnées.

1

ferme pilote de 300 hectares.

1

soixante de vaches nourries exclusivement à l’herbe, dont le lait est utilisé pour fabriquer des yaourts produits sans émission de carbone.

Consciente de l’importance du levier public pour faire bouger les lignes, elle rejoint l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron en 2016 en tant que référente sur les questions agricoles, avant de devenir sa conseillère pour l’agriculture, la pêche, la forêt et le développement rural. En 2019, rattrapée par sa volonté de « faire les choses », Audrey Bourolleau quitte la politique et crée, avec Xavier Niel, HECTAR un campus agricole destiné à former les futurs chefs d’entreprises agricoles.

Répondre à des défis sans précédent

Lorsque Audrey Bourolleau vous accueille sur le campus d’HECTAR, à quelques kilomètres de Paris, on est tout de suite séduit par son énergie et sa vision. Celle d’une transformation nécessaire de l’agriculture française, face à l’urgence et à l’ampleur des défis que connaît le secteur. Il s’agit d’abord d’un enjeu de renouvellement des générations sans précédent, avec 160 000 fermes (sur 400 000) à reprendre en France d’ici quatre ans, et ensuite de la nécessité de préserver les sols agricoles français, alors que 25 % d’entre eux souffrent d’érosion. Pour améliorer la santé des sols, Audrey mise sur l’agriculture régénératrice ou de conservation. « Nous avons créé HECTAR pour permettre aux futurs chefs d’entreprises agricoles de travailler selon des modèles économiquement viables, socialement justes et durables pour la planète » précise-t-elle.

Sur plus de 300 hectares, le campus accueille une ferme pilote d’expérimentation en agriculture régénératrice pour préserver les sols agricoles.

Il faut changer de regard sur les agriculteurs, car le métier devient hybride.

... Bien plus qu’une business school agricole

HECTAR n’est pas une école comme une autre. C’est à la fois un lieu de formation et de sensibilisation, un accélérateur de start-ups du secteur agricole et du secteur alimentaire, et une ferme pilote permettant de tester des modèles innovants. Côté formation, HECTAR s’adresse tant à des nouveaux entrants qui créent ou reprennent une exploitation agricole (70 %) qu’à des « anciens » qui héritent d’un actif familial. Ce n’est pas une formation technique, mais un programme entrepreneurial structuré en deux volets : économique d’abord, pour créer des business models solides et créateurs de valeur, social ensuite pour aider les apprenants à mieux organiser leur temps de travail. « Il faut changer le regard de la société sur les agriculteurs, car le métier devient hybride, analyse Audrey Bourolleau.

Les agriculteurs de la nouvelle génération sont des chefs d’entreprise. Ils doivent savoir gérer des sujets multiples et complexes : trouver des financements pour louer ou acheter leur terre, choisir leur mode de production, transformer les produits, etc. Ils peuvent choisir de faire de la vente directe, de l’agro-tourisme ou encore produire des énergies vertes ! »

Le programme de sensibilisation s’adresse à deux types de publics. Les jeunes (élèves de troisième, apprentis charcutiers- traiteurs, futurs chefs de l’École de cuisine Ducasse) et les entreprises, qu’il sensibilise notamment sur la nécessité de repenser leurs modèles pour répondre aux enjeux de durabilité. « Les entreprises se rendent compte que 80 % de leurs émissions carbone se concentrent au niveau de la production agricole, loin devant le transport, souligne Audrey Bourolleau. Nous les aidons à mesurer l’impact de la décarbonation sur leur structure de coûts. »

Les sols au cœur des pratiques avec l’agriculture régénératrice

L’agriculture régénératrice ou de conservation consiste, après chaque moisson, à diversifier les cultures ou à mettre des « couvercles végétaux » sur la terre pour la protéger après chaque récolte.

Cette technique génère une perte de rendement pendant deux ou trois ans avant de retrouver son niveau de productivité. Toutefois, ne rien faire, c’est dégrader son actif. Si elle ne représente aujourd’hui que 4 % des pratiques agricoles en France, l’agriculture régénératrice est la seule garante de la restauration de nos sols à long terme.

Dernier pilier d’HECTAR : l’innovation avec un programme d’accélération de start-ups agritech européennes en partenariat avec l’incubateur HEC Paris. « La recherche de fonds est difficile dans notre secteur, déplore Audrey Bourolleau. Nous accompagnons les start-ups sélectionnées jusqu’à leur levée de fonds et testons leurs innovations dans notre ferme pilote. Il peut s’agir d’outils d’aide à la décision et de planification ou encore d’instruments de mesure du carbone et de la biodiversité. »

L’accélérateur HECTAR propose un programme detroismoispour accompagner des projets dans le secteur de l’agri-foodtech.
La maison pédagogique propose au jeune public (écoles primaires et collèges) des journées en immersion chez HECTAR.

Déjà des résultats probants

Deux ans après le démarrage opérationnel d’HECTAR, Audrey Bourolleau constate avec humilité que ses programmes ont permis à de nombreux entrepreneursde sécuriser leur projet agricole. Des rôles modèles émergent, démontrant ainsi qu’il est possible de réussir à condition de trouver le bon schéma pour son projet agricole. Si elle est confiante pour l’avenir du secteur agricole français, Audrey Bourolleau a dû revenir sur ses convictions : « Deux façons de produire notre alimentation vont cohabiter : une agriculture en lien avec la terre et le vivant, et de nouveaux modes de production sans lien avec les sols ou le cycle des saisons (fermentation de précision, indoor farming1). Pour une terrienne comme moi, avec une connaissance des saisons et un sens de l’observation transmis par mes grands-parents, cela bouscule nos a priori. Mais, face au défi climatique et au renouvellement des générations, c’est le rôle d’HECTAR d’étudier tous les modes de production de manière dépassionnée ! »

1. Agriculture d’interieur.

Nous voulons permettre aux chefs d’entreprises agricoles de vivre sans s’épuiser au travail.
Audrey Bourolleau BOUROLLEAUFondatrice d'Hectar

Texte

Stéphanie Livingstone-Wallace
Conceptrice-rédactrice free- lance depuis plus de 15 ans, Stéphanie Livingstone-Wallace assure la rédaction de multiples supports de communication, avec comme domaines de prédilection la transition énergétique, le transport et la logistique, l’éducation ou encore la finance et la santé.

Images

Manon Riff-Sbrugnera
Manon Riff-Sbrugnera travaille aussi bien pour des commandes presse ou corporate que pour des projets personnels. Elle porte ainsi un regard unique sur son environnement et ses rencontres.