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Le Silo : un ancien site agro-industriel transformé en lieu d’art

Amateurs passionnés d’art contemporain, Françoise et Jean-Philippe Billarant ont constitué une collection qui se caractérise par une cohérence et une harmonie exceptionnelle. Un ensemble d’œuvres qu’il est possible de découvrir au Silo, ancien site agro-industriel transformé en lieu d’art, à Marines, commune du Val-d’Oise, en région Île-de-France. Laurent Issaurat, responsable du Art Wealth Management au sein de Société Générale Private Banking, est allé à la rencontre de ces deux collectionneurs hors du commun.

Françoise et Jean-Philippe Billarant

Collectionneurs et Amateurs passionnés d'Art Contemporain

Comment l'aventure de la collection a-t-elle commencé ?

Au milieu des années 70, après avoir fréquenté les musées d’art ancien. Nous avons ressenti le besoin de comprendre et de vivre l’art de notre époque. Notre objectif n’était pas de devenir collectionneurs mais d’échanger avec des artistes majeurs. Nous sommes donc partis à l’aventure, visitant les expositions d’art contemporain dans les galeries, centres d’art et musées. Au cours de ces explorations, nous avons rencontré des artistes, des historiens et critiques d’art, des galeristes, qui tous, nous ont fait progresser dans la connaissance de l’art contemporain. Grâce à eux, nous avons compris que l’art, tout comme toute autre discipline, s’apprend et se découvre. Pendant six ou sept ans, nous avons eu l’opportunité d’explorer de nombreux mouvements artistiques et d’affiner nos choix, nous orientant ainsi vers l’art minimal, conceptuel et abstrait géométrique.

Comment décririez-vous votre collection aujourd’hui, quels en sont les artistes phares ?

Notre collection n’est ni éclectique, ni représentative du panorama de l’art actuel, mais est reconnue par sa cohérence. A l’inverse d’un échantillonnage, nous avons souhaité accompagner une cinquantaine d’artistes en acquérant un ensemble d’œuvres de chacun. Parmi ces artistes, mentionnons par exemple des américains, tels que Carl Andre, Robert Barry, Lawrence Weiner, Sol Le Witt, Dan Flavin, Donald Judd, Joseph Kosuth, Richard Serra, On Kawara, Ian Wilson, John Mc Cracken ou encore Peter Downsbrough. Du côté des artistes établis en France, il y a Daniel Buren, François Morellet, Michel Parmentier, Claude Rutault, Bertrand Lavier ou encore Philippe Thomas. Hors de France, parmi les européens, le suisse Niele Toroni, le britannique Alan Charlton, les allemands Wolfgang Laib et Jochen Lempert, le néerlandais Stanley Brouwn, etc. Parmi les artistes des générations suivantes, nous mentionnerions Dove Allouche, Véronique Joumard, Krijn de Kooning, Felice Varini, Philippe Decrauzat, Angela Detanico et Rafaël Lain, qui ont fait partie des quatre artistes finalistes pour le Prix Marcel Duchamp 2024. Parmi les autres jeunes, l’américain David Horvitz et l’écossais Charles Sandison méritent absolument d’être cités également.

Comment expliquez-vous votre passion pour l’art minimal ?

L’art qui nous passionne revisite les mouvements constructivistes, tels que le Bauhaus et De Stijl. Il privilégie l’idée et le processus de création, tout en mettant en œuvre des systèmes et des principes comme « less is more » .*   Il est à la fois en rupture avec l’art qui le précède et dans la filiation des grandes figures que furent Malevitch, Rodchenko, Mondrian ou Brancusi. Ce qui est merveilleux, c’est de découvrir l’apport novateur de chaque artiste au grand édifice de l’art.

Comment décidez-vous de vos achats ?

Nous faisons tous nos choix ensemble, à deux. Lorsque nous découvrons l'œuvre d'un artiste que nous connaissons et dont nous possédons une œuvre, si le budget convient, l'achat peut être immédiat, car nous voyons comment cette nouvelle œuvre vient compléter notre ensemble. En revanche, s’il s’agit d’un artiste que nous découvrons, nous prenons plus de temps. Nous nous renseignons sur sa pratique et, surtout, nous cherchons à le/la rencontrer pour mieux le/la comprendre, et l’entendre parler de ses projets.

Vous arrive-t-il de vendre des œuvres ?

Cela fait 35 ans que nous n’avons pas vendu d’œuvres. Au début de notre collection, notre ligne n’était pas totalement définie. Nous avons donc tâtonné et revendu des pièces qui ne correspondaient pas à l’esprit de la collection, ainsi que des œuvres d’artistes dont les prix avaient progressé dans des proportions telles que nous savions que nous ne pourrions plus acquérir d’autres pièces, comme celles de Thomas Schütte ou Sigmar Polke. 

* "Moins c'est plus"

Qu’est-ce que Le Silo ?

Le choix du Silo est né de la volonté de donner aux artistes l’opportunité que leurs œuvres soient vues par un plus large public. Ce lieu, un ancien silo à grain que nous avons acquis en 2007, a été transformé selon les préconisations des architectes Dominique Perrault, puis de Xavier Prédine. Ouvert en 2011, il offre une surface d’exposition de plus de 2000 m2. Tous les deux ans, nous présentons une nouvelle exposition mettant en avant une centaine d’œuvres de notre collection. Nous venons d’inaugurer la septième, que nous faisons visiter personnellement sur rendez-vous, principalement le week-end.

Comment pensez-vous vos expositions ? Confiez-vous ce travail à des commissaires d’exposition externes ?

Nous concevons entièrement l’accrochage. Nous montrons les artistes en portant une attention particulière aux œuvres que nous n’avions pas exposées jusqu’à présent. Concrètement, nous utilisons une maquette d’environ deux mètres de long, représentant les deux étages de l’espace d’exposition, ainsi que chaque œuvre, le tout à l’échelle. Partant de là, nous positionnons les œuvres, en recherchant des correspondances intellectuelles, formelles, ou basées sur les relations que les artistes peuvent avoir entre eux. Ces accrochages résultent d’une longue réflexion et de multiples itérations. Ensuite, la mise en place est confiée à des professionnels.

Quels sont les principaux coûts opérationnels d’un lieu tel que le Silo ?

Outre le coût de l’acquisition et les travaux réalisés au démarrage, les principaux coûts sont liés aux frais de fonctionnement et à l’entretien du lieu notamment. A cela s’ajoute le budget des expositions que nous organisons tous les deux ans. Ces dernières mobilisent une équipe de 5 personnes sur une période de 6 semaines et l’organisation d’un vernissage réunissant 500 personnes environ. Les réparations et restaurations d’œuvres, quant à elles, sont assez rares.

Auriez-vous des conseils pour des collectionneurs néophytes ?

La première chose à savoir, c’est que le temps est irremplaçable. Il est essentiel de prendre son temps, d’étudier de nombreuses œuvres sans se précipiter. Voyager, rencontrer les artistes, visiter des musées et des centres d’art. Notre deuxième conseil est d’éviter les coups de cœur pour des pièces ou des artistes que nous ne connaissons pas, et dont les œuvres, à première vue, ne font que « ressembler » à quelque chose que nous aimons. Enfin, lorsqu’il s’agit d’artistes dont nous observons le travail pour la première fois, l’échange avec eux est essentiel. Nous tenons absolument à comprendre leur démarche, ce qui est un préalable absolu avant d’envisager d’aller de l’avant. Ces conversations, ces visites, ainsi que les lectures et réflexions qui s’ensuivent sont fondamentales dans notre processus de décision d’achat.

Vos projets pour le Silo ?

Nous souhaitons qu’après nous, l’activité du Silo continue. Nous y travaillons !

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Laurent Issaurat