Géopolitique du monde de l'art - Chapitre 2 : L’art contemporain et le « sud global »
Tout d’abord, soyons prudents dans la terminologie. Si on peut parler d’un monde occidental, le « sud global » n’existe pas en tant que tel et cette notion recouvre des réalités très hétérogènes. De surcroît, on y intègre des pays du monde qui réfuteraient vigoureusement d’être assimilés au « sud ».
Galeriste spécialisée en art contemporain, présente à Paris et Bruxelles. Auteure de l’ouvrage de référence « Géopolitique de l’Art Contemporain », elle enseigne également à Sciences-Po Paris.
© Luc Castel
La Chine, de l’ouverture internationale des années 80 au recentrage des années 2000
La Chine à l’exception de quelques comptoirs commerciaux, n’a pas été colonisée par les puissances coloniales et tente aujourd’hui de marquer sa différence par rapport à l’Occident, en incitant ses artistes à produire de l’art contemporain qui s’inspire de traditions ancestrales, à travers la calligraphie et la représentation de la nature. Pendant une trentaine d’années, des artistes chinois, travaillant notamment dans la veine « pop », proches de l’art contemporain occidental, ont émergé. Leurs œuvres ont été acquises par des collectionneurs locaux et internationaux, mais il y a toujours eu une forme de réticence des institutions chinoises officielles à les intégrer dans les collections publiques. Ces formes d’art, aujourd’hui, sont de plus en plus marginalisées, et la programmation en Chine se referme. Les musées, publics et privés, sont invités à proposer des programmations orientées vers la tradition, marginalisant de plus en plus les artistes occidentaux. Lorsque ces derniers sont admis, c’est fréquemment dans le registre de l’abstraction, qui passe plus facilement à travers les fourches de la censure. Les nouveaux collectionneurs, de fait, sont incités à acheter localement, car il est de plus en plus difficile d’échapper à la critique ou à la réprobation en affichant des artistes internationaux sur les murs de sa propriété. La Chine a un marché local plutôt fort aujourd’hui, et promeut des artistes qui savent s’adapter aux exigences de la censure. En revanche, à l’international, les artistes contemporains chinois ne sont pas enclins à s’exporter et sont en très net recul, en contraste avec le développement que nous avions enregistré, des années 1980 aux années 2010.
L’Inde : entre dynamisme de la diaspora internationale et conservatisme local
L’Inde, bénéficie d’une langue internationale, l’anglais, et d’une diaspora puissante, très active dans certaines régions du monde, comme le Moyen Orient, l’Amérique du Nord ou le Royaume Uni. Et pourtant, le contraste demeure saisissant, entre le poids démographique et économique majeur du sous-continent indien et sa très faible influence dans le domaine de l’art contemporain. Au centre du jeu, le gouvernement actuel est engagé dans une politique nationale centrée sur une certaine idée de « l’indianité » (ou « hindouïté » ou « Hindutva » »), opposée à l’influence tant du marxisme-léninisme que du capitalisme, qui explique que le pays demeure relativement fermé à l’art contemporain international. Les musées publics sont clairement sous-dotés financièrement, et rien n’est fait pour soutenir la scène contemporaine indienne. A cet égard, l’absence de représentation indienne, à l’exception de deux éditions passées, à la Biennale de Venise, est tout à fait révélatrice de ce manque d’intérêt. Ceci constitue une différence notable par rapport à la Chine, qui continue de soutenir une certaine visibilité, à travers son très grand pavillon de l’Arsenale de Venise. Notons toutefois, l’influence des diasporas indiennes, notamment au Royaume Uni et aux Etats-Unis, très actives dans le support des grands musées locaux, et qui achètent et collectionnent l’art indien d’aujourd’hui, pour eux-mêmes ainsi que pour les musées qu’ils soutiennent.
Le Moyen Orient : nouvelle plateforme du « Sud Global » ?
Au Moyen Orient, le marché est plus étroit, mais dynamisé par des projets institutionnels majeurs tels que Le Louvre et le futur Guggenheim Museum à Abu Dhabi, le Centre Pompidou AlUla (Arabie Saoudite) et Sharjah, aux Emirats Arabes Unis. A travers sa biennale, Sharjah est en train de s’affirmer comme un pivot important de ce « Sud Global », au point de confluence de l’Afrique, en particulier de l’Afrique de l’Est, de l’Inde et de l’Asie du Sud. Dirigée par Hoor Al-Qasimi, qui a étudié les arts aux Royaume Uni et dont le profil est très international, cette biennale est engagée dans la présentation de formes d’art « non occidentales ». Cette position de « biennale de référence du sud », qui revenait jusque-là à celle de Sao Paolo, au Brésil, est donc peut-être de train de glisser vers Sharjah.
L’Afrique : des locomotives nationales pas encore arrivées à destination
Concernant l’Afrique, on peut aujourd’hui faire un début de bilan, qui commence par le constat de l’émiettement et de la diversité des situations rencontrées, à travers les 54 États du continent. Le Sénégal, autrefois perçu comme un pionnier de la modernité en Afrique de l'Ouest, revient aujourd'hui à une célébration des traditions. Dans ce contexte très particulier, on peut s’interroger quant à l’avenir de la scène sénégalaise, dont la formidable biennale de Dakar, longtemps porte drapeau d’un certain progressisme sur le continent, a dû être annulée en 2024, faute de financements. Le Nigéria, immense par sa population et bénéficiant d’une diaspora internationale dynamique, souffre de problèmes endémiques qui empêchent l’émergence d’un véritable écosystème artistique. En Afrique du Sud, Cape Town bénéficie certes du Zeiss Museum d’art contemporain et certains artistes nationaux ont acquis une notoriété mondiale mais globalement, le pays doit gérer d’autres priorités politiques, économiques et sociales. Les efforts pour établir des "hubs" de l'Art d'Afrique, à travers des foires commerciales d'envergure internationale, comme la 1-54 Contemporary African Art Fair, initialement installée à Londres avant de s'implanter à Marrakech, ont connu un engouement certain. Cependant, l'enthousiasme initial s'est quelque peu estompé depuis.
L’Amérique Latine : la parole aux pratiques autochtones
L’Amérique Latine, est tout à fait à l’honneur actuellement, avec la soixantième édition de la Biennale de Venise, dont le directeur artistique n’est autre que le brésilien Adriano Pedrosa. Son projet pour la Biennale, assez radical, est de donner la parole aux peuples autochtones et aux autres artistes « oubliés » du Sud Global, largement représentés pour cette édition. On y découvre des artistes du 20ème siècle, pour la plupart inconnus du grand public, dont certains incarnent une appropriation locale des courants modernistes, et d’autres des formes d’expression artistique plus ancestrales, qui touchent d’ailleurs parfois au registre de l’artisanat. C’est passionnant bien sûr, mais la prime donnée aux « outsiders » semble avoir pour contrepartie que des artistes majeurs, comme Beatriz Milhazes ou Tunga sont absents de l’exposition centrale. Ces manques s’expliquent probablement par le fait que ces artistes ont déjà trouvé leur place dans le marché de l’art international, dès les années 80 et 90. Manifestement, le projet de Pedrosa est de donner la priorité à des créateurs restés dans l’ombre jusqu’à présent, à commencer par les peuples indigènes. Ce sont donc principalement ces voix que nous entendons monter dans les espaces de la Biennale 2024.
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