Accélération de la montée de la RSE pendant la crise du Covid : un feu de paille ?
La crise sanitaire que nous traversons touche toutes les entreprises, des grandes multinationales aux petites PME actives sur le territoire. Au cours de l’épisode critique de ce printemps, beaucoup ont répondu à l’urgence en faisant un « pas de côté » pour contribuer à l’effort commun. Si leur responsabilité sociétale s’est trouvée questionnée voire challengée, il est certain que la RSE est passée pendant quelques semaines au premier plan des préoccupations des directions générales. Comment ancrer ce mouvement dans la durée ?
La période de confinement a provoqué un arrêt presque total de l’activité économique… Sauf pour les activités dites essentielles. On a tous réalisé que des pans entiers de notre économie étaient vitaux : la santé au sens large bien sûr (des hôpitaux aux pharmacies), les forces de l’ordre (dont les pompiers), la filière alimentaire évidemment dont nos agriculteurs, les services sociaux, les banques et les assurances, la filière informatique et téléphonique, les services de l’eau, de l’énergie et des déchets… On ne peut les citer tous. Dans ces entreprises, de nombreux employés ont alors réalisé que leur travail avait du sens et qu’ils étaient un maillon essentiel, eux aussi. Une lueur d’espoir dans notre pays où près de 85% des salariés affirment ne pas se sentir concernés par leur entreprise ? On a vu aussi des entreprises questionner leur modèle d’affaires et le « tordre » pour participer elles aussi à l’effort commun : Accor qui a mis des chambres d’hôtel à disposition des soignants et des convalescents, Decathlon qui a modifié un masque de plongé en masque respiratoire, 6 ateliers de LVMH qui se sont mis à produire en France des masques, et tant d’autres exemples ! Nombreuses ont été les entreprises à montrer qu’elles pouvaient, avec leur activité, et l’engagement de leurs équipes et dirigeants incarner une certaine « raison d’être ». La période a semblé propice pour réfléchir comment construire le « monde d’après » en s’appuyant davantage sur des valeurs de contact humain, de soin, de bienveillance et de confiance : beaucoup de directions RSE l’ont compris d’autant que l’oreille des directions s’est faite plus attentive sur ces sujets.
Comment ancrer cet élan dans la durée ? Tout d’abord affirmer sa « raison d’être"(1), engagement de moyen terme à participer à la construction d’un monde plus durable, affirmé vis-à-vis des parties prenantes externes dont les investisseurs. Plus de la moitié des entreprises qui composent le CAC 40 ont du reste déjà rédigée la leur. Mais celles qui l’ont l’inscrite dans leurs statuts comme le permet la loi Pacte(2) sont encore très minoritaires (à peine 10%). Pour les plus ambitieuses, l’étape suivante est de devenir « entreprise à mission » : en plus d’inscrire sa « raison d’être » dans ses statuts, des indicateurs précis sont définis et suivis par un tiers auditeur. Une gouvernance spécifique indépendante « le comité de la mission » est instaurée comme garante du respect de la mission par le management vis-à-vis des parties prenantes dont les investisseurs … encore eux. Danone a été ce printemps -en plein confinement- la seule grande entreprise française cotée à « sauter le pas ».
La crise économique, le chômage de masse, les baisses historiques de chiffre d’affaires risquent malheureusement pour beaucoup d’entreprises de ramener « la raison d’être » à la question « d’être » tout court, c'est-à-dire de survivre et passer la crise. Les visions sont fatalement devenues plus myopes, car comment envisager son avenir à long terme quand il faut boucler les fins de mois ? Mais ne soyons pas pessimistes car il y a de plus en plus de jeunes entrepreneurs qui sont engagés, sincères et convaincus qu’une entreprise peut apporter au monde autre chose que son profit. Et puis il y a les investisseurs… eux aussi ont envie que les entreprises qu’ils sélectionnent prouvent que le « monde d’après » se construit. Il y a du reste urgence : la partie prenante silencieuse qu’était notre planète en cet été de canicule et de sécheresse.